La nouvelle gang d’écolos
Connaissez-vous vraiment les milléniaux ?
Voici la quatrième chronique écrite à quatre mains, sous forme d’une discussion entre un baby-boomer (le sondeur Jean-marc Léger, âgé de 56 ans) et son fils, un millénial (l’étudiant en journalisme Philippe Léger, âgé de 22 ans)
Un Québécois moyen, c’est celui qui consomme 400 litres d’eau par jour, un record canadien. C’est celui qui génère 700 kg de déchets résiduels par année, un autre triste record canadien. C’est aussi celui qui achète chez Wal-mart ou Costco des produits étrangers provenant du bout du monde ayant voyagé par bateau, par avion et par camion, et qui chiale que nos gouvernements ne s’occupent pas assez de l’environnement.
Un Québécois moyen texte avec son portable Samsung de Corée du Sud, joue avec sa Playstation japonaise, utilise le moteur de recherche Google, achète des produits étrangers sur Amazon, regarde des films américains sur Netflix, streame de la musique américaine sur Spotify et ouvre son ordinateur Lenovo de Chine pour critiquer son gouvernement qui ne fait rien pour favoriser l’économie locale.
Un Québécois moyen conduit un gros véhicule utilitaire sport (VUS) et fait le plein avec du pétrole d’arabie saoudite, du Nigeria, d’algérie ou du Venezuela. Il achète une centaine de produits cosmétiques et de beauté, d’appareils électroniques et ménagers, de vêtements et accessoires dérivés du pétrole tout en blâmant l’exploitation du pétrole en Alberta.
Les Québécois sont de grands parleurs et de petits faiseurs sur les questions environnementales. Ils sont plus exigeants envers leurs gouvernements, leurs entreprises ou même leurs voisins qu’envers eux-mêmes. J’espère que les milléniaux feront mieux que nous.
Il y a une différence fondamentale entre nos deux générations : l’environnement est pour vous une priorité parmi d’autres, alors que l’environnement et la santé sont nos vraies priorités. Simplement parce que nous n’avons plus le choix. Il y a urgence parce qu’on a atteint le point de non-retour, ce qui n’était pas le cas
dans votre temps.
Les baby-boomers sont rapidement passés du déni, en niant le problème, au dépit, en disant qu’il était trop tard. D’ailleurs, encore aujourd’hui, le quart des milléniaux pensent que leurs efforts n’ont pas vraiment d’impact. On pellette le problème à l’autre génération en pensant qu’elle ne fera pas mieux. Du vrai baby-boomer à son meilleur !
Et vous avez également fait beaucoup de dégâts. Hyperconsommation, gaspillage des ressources, déréglementation climatique, gaz à effet de serre, pollution de l’eau, dégradation de l’air, et vous êtes même en train de polluer l’espace. C’est l’« ego-système », comme si votre
« ego » était plus important que votre « éco ».
On n’a pas fait que des bêtises. On a développé l’hydro-électricité, épuré les eaux, favorisé l’énergie éolienne, créé la bourse du carbone et exigé des contrôles environnementaux serrés sur tous les projets de développement.
Collectivement, vous êtes forts, mais individuellement, vous êtes décevants.
C’est facile de faire la morale aux autres. Mais quand tu prends une douche trop longue, que tu utilises des produits non biodégradables, que tu gaspilles la nourriture, que tu roules trop vite sur la route, tu pollues aussi l’environnement. Après un spectacle en plein air, jette un coup d’oeil sur les déchets que vous laissez derrière vous.
On n’est pas parfait, mais on recycle plus, on composte plus, on utilise des sacs réutilisables et on achète davantage de produits locaux, bios et écologiques. Le covoiturage ou le transport en commun font aussi partie de nos habitudes de vie.
La bataille écologique n’est surtout pas une bataille entre générations. C’est une bataille pour la prochaine génération. Ban Ki-moon, ex-secrétaire général de L’ONU, a résumé tout le débat en une seule phrase : il n’y a pas de planète B.
Tellement vrai. D’ailleurs, je suis fier de constater que 70 % des milléniaux placent l’environnement avant l’économie. Nos priorités sont différentes des vôtres.
Et tu devrais aussi être fier de savoir que c’est nul autre que ton grand-père, Marcel Léger, qui a créé le ministère de l’environnement du Québec et lancé un mouvement écologiste. Il disait qu’« il ne fallait pas s’opposer aveuglément au progrès, mais qu’il fallait s’opposer au progrès aveugle ».
Je ne l’ai malheureusement pas connu, mais tu m’as souvent raconté le bonheur qu’il avait à faire de la politique pour changer les choses.
La politique avait un sens dans ce temps-là.