Le Journal de Quebec

Michaëlle Jean et la fausse inclusion

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

La semaine dernière, je vous ai parlé de la Fondation Michaëlle Jean qui avait lancé un concours de vidéos, assorti de 10 prix de 1000 $, ouvert uniquement aux « jeunes musulmans ».

Or, le lendemain de la parution de ma chronique, la Fondation a annoncé que la soumission des candidatur­es pour le concours qui devait se terminer le 5 juillet s’étendait jusqu’au 5 août… en partie à cause de l’intérêt médiatique. On a (pas très subtilemen­t) changé la raison d’être du concours qui est maintenant de « repousser l’islamophob­ie ». Tiens, tiens, voilà un mot à la mode. Mais alors pourquoi estce que ce mot ne se retrouvait nulle part dans la première version du concours ?

DIS-MOI QUEL DIEU TU PRIES

Sur la toute nouvelle publicité pour le concours de la Fondation Michaëlle Jean, on s’adresse aux jeunes. « Toi comment imagines-tu la diversité ? Toi comment vois-tu l’inclusion pleine et entière ? Toi comment définirais-tu ton identité canado-musulmane ? »

Je répète ce que je disais dans ma chronique. À mes yeux, il n’existe pas de « canado-musulmans » ou de « canado-athées » ou de « canado-jéhovah ». Il n’existe que des Canadiens. Et je refuse qu’on utilise la religion comme le principal déterminan­t des individus. Je tiendrais exactement le même discours si la Fondation organisait un concours destiné exclusivem­ent aux baptistes, aux évangélist­es, aux adventiste­s, aux pentecôtis­tes, aux pastafaris­tes, etc.

Mais ce n’est pas le seul changement que la Fondation Michaëlle Jean a fait à la suite de la parution de mon texte. On a aussi modifié un des critères pour être admis à ce concours d’art vidéo. Voici ce que j’écrivais dans ma chronique : « Comment mesure-t-on le degré de religiosit­é du candidat ? Un certificat de son imam qui atteste de son assiduité à la mosquée ? S’il est issu d’une famille musulmane, mais qu’il est athée, est-il admissible ? Et s’il est musulman, mais non pratiquant ? »

Pour participer au concours d’art vidéo, il suffit maintenant de « se reconnaîtr­e comme personne canado-musulmane ». Premièreme­nt, d’où vient ce terme, que je n’avais jamais vu avant ? « Canado-musulman » est calqué sur l’expression « afro-américain » ? Deuxièmeme­nt, il suffit que n’importe quel individu se reconnaiss­e comme appartenan­t à cette étiquette inventée de toutes pièces pour soumettre sa candidatur­e ? On se lève un matin et on se sent « canado-musulman » ? On vit une drôle d’époque, chacun se définit une identité comme on se bâtit un set de cuisine chez Ikea.

Mais surtout, en modifiant son critère d’admissibil­ité, la Fondation Michaëlle Jean démontre justement à quel point il est absurde d’offrir un concours basé sur quelque chose d’aussi imprécis et intangible que la religion.

CRISE DE FOI

Le pire dans ce dossier de concours bien-pensant, c’est que la Fondation Michaëlle Jean fait ça au nom de la sacro-sainte « inclusion ». Mais l’ex-gouverneur­e générale fait fausse route. La meilleure façon de pratiquer « l’inclusion », c’est de ne pas faire de distinctio­n entre les croyances des individus et de ne pas créer de concours qui « excluent » ceux qui ne croient pas en Allah.

Dans sa chanson Imagine, John Lennon nous demande d’imaginer à quoi ressembler­ait le monde si on vivait sans étiquette. Mais surtout… sans religion.

Il me semble que ça ferait un beau thème de concours pour Michaëlle Jean et sa Fondation.

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