Le Journal de Quebec

Le droit à la vie l’a emporté

- DOMINIQUE LELIÈVRE

La décision d’un juge de la Cour supérieure d’ordonner la transfusio­n de sang pour sauver un nouveau-né contre la volonté de ses parents témoins de Jéhovah, jeudi, n’étonne pas les experts en droit et en science des religions.

Des médecins du Centre Mère-enfant de Québec (CHUL) se sont adressés d’urgence à la Cour supérieure, jeudi dernier, pour obtenir l’autorisati­on d’effectuer une transfusio­n de sang à la fillette âgée de quelques heures à qui on devait retirer une masse abdominale.

Entre le droit à la vie et celui à la liberté de religion, le juge Alain Michaud a tranché en faveur du premier.

S’il est difficile de hiérarchis­er les droits que contient la Charte canadienne des droits et libertés, l’avocat Jean-pierre Rancourt ne se montre pas surpris par ce dénouement. D’autres jugements ont d’ailleurs été rendus en ce sens par le passé.

« LES MÉDECINS SAVENT »

« On l’a vu et on va le voir de plus en plus aussi, croit ce dernier. Quand on parle de la vie d’une personne, d’un être humain, les médecins savent de quoi ils parlent, et ce n’est pas à cause de la religion qu’on va arrêter une transfusio­n. »

Toutefois, il en va autrement des cas où le patient est en âge de donner un consenteme­nt éclairé, précise-t-il.

« Un enfant de 15 ans, par exemple, pourrait dire qu’il ne veut pas recevoir de transfusio­n en raison de sa religion, et il aurait le droit de faire valoir son idée. À ce moment-là, je ne pense pas qu’un juge puisse renverser ça », détaille-t-il.

PRESCRIPTI­ON BIBLIQUE

Si la requête des parents de ne pas pratiquer de transfusio­n au péril de la vie de leur enfant peut susciter de l’incompréhe­nsion, le professeur de sciences des religions au Cégep de Sainte-foy, Alain Bouchard, invite à mettre les choses en perspectiv­e.

« Pour eux, la normalité, c’est ça. Ils ont une profonde conviction que la fin du monde est proche et que lorsqu’arrivera cet événement, les justes seront sauvés », expose-t-il.

Or, des textes bibliques proscriven­t la pratique qui consiste à absorber le sang d’un autre animal ou d’une autre personne.

Ces croyances pèsent lourdement sur la décision d’accepter ou non une transfusio­n, affirme le professeur.

Pour un parent témoin de Jéhovah, ajoute M. Bouchard, « si on donne une transfusio­n sanguine à mon enfant, je viens de le condamner, il va souffrir éternellem­ent par la suite. »

M. Bouchard indique cependant que ce mouvement religieux n’est pas absolument figé dans le temps.

« Si on regarde dans l’histoire des témoins de Jéhovah, il y a eu des moments où ils ont jugé que compte tenu du contexte, compte tenu de la lecture qu’on peut faire de la situation, il y a eu des assoupliss­ements, par exemple par rapport aux transplant­ations », mentionne-t-il.

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