Le Journal de Quebec

DÉPORTÉES au coeur des PYRÉNÉES

Auteure de plusieurs best-sellers, la romancière et essayiste française Diane Ducret s’est immergée dans l’histoire vraie des femmes allemandes déportées dans les Pyrénées pendant la Seconde Guerre mondiale dans son nouveau roman Les indésirabl­es.

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Diane Ducret met en scène la résistance de l’espoir et les miracles de l’amour et de l’amitié dans ce nouveau roman inspirant tiré d’histoires vraies. En 1940, à Paris, Lisa et Eva sont Allemandes, sans enfant, et elles sont venues chercher la liberté en France. Néanmoins, elles sont déclarées comme des milliers d’autres « femmes indésirabl­es » et déportées au camp de Gurs, dans les Pyrénées.

Ces femmes déportées sont juives et non juives, intellectu­elles ou pas, et elles doivent apprendre à vivre ensemble – et à survivre. Elles décident de monter ensemble un cabaret, pour défier la mort.

« J’ai découvert un jour un petit document qui parlait de la rafle des femmes indésirabl­es. J’ai vu comment avait été placardé, dans Paris, le 12 mai 1940, l’appel au rassemblem­ent des femmes indésirabl­es. Ce qui m’a choquée, c’est non seulement le mot, mais surtout le fait que c’étaient des femmes sans enfant. Le papier dit que c’étaient les femmes mariées ou célibatair­es sans enfant. Et j’ai vu qu’il y avait eu presque 5000 femmes au Vélodrome d’hiver et que personne n’en avait jamais parlé. On connaît la rafle du Vel d’hiv en 1942, mais 5000 femmes, c’est pas rien. C’est énorme. Et pourtant... c’est silence radio total », commente Diane Ducret en entrevue.

PAN DE L’HISTOIRE OBLITÉRÉ

Elle a découvert que beaucoup de femmes connues avaient été consignées, dont l’actrice Dita Parlo, la belle Gerda Groth, qui fut la maîtresse du peintre Chaïm Soutine, et la peintre Lou Albert-lasard, compagne du grand poète Rainer Maria Rilke. « Je suis Basque. Et je ne savais même pas qu’il y avait ce camp à une heure de route de chez moi. »

Ce pan sombre de l’histoire a été complèteme­nt oblitéré. « Ces femmes n’avaient rien fait. D’imaginer dans les Pyrénées, qui sont si belles un camp pour ces femmes indésirabl­es, sans enfant, qui sont juste des réfugiées, ça m’a bouleversé­e. »

Il y avait des Polonaises, des Belges, des Autrichien­nes, des Allemandes, des Alsacienne­s, juives et non juives. « La seule chose que j’ai pu trouver, ce sont des témoignage­s parce que les archives du camp ont été détruites. »

Quelques femmes allemandes ou françaises ont survécu et écrit des témoignage­s. « Parfois, ce n’est que quelques lignes, parfois un peu plus. J’ai découvert en postface le témoignage d’une femme qui raconte que c’était horrible et dur et qu’il y mourrait, en 1940, plus de gens qu’à Buchenwald. C’est horrible. Mais elle disait qu’il y avait surtout l’amour avec les Espagnols et une vraie résistance par la beauté de toutes ces femmes, et, surtout, que le commandant Davergne leur avait offert ce piano. »

MALNUTRITI­ON ET DYSENTERIE

Au camp, ces femmes étaient victimes de malnutriti­on, de dysenterie. « Elles meurent aussi dans la boue. Et le froid, l’hiver. Pour celles qui n’en meurent pas, le cabaret a vraiment existé, et l’idée de tenir le coup », ajoute l’auteure. Une grosse moitié de ces femmes seront libérées. « Pour celles qui sont restées, ce sera le départ pour les camps de la mort. »

« C’est quelque chose d’universel que j’ai voulu écrire : l’histoire de femmes indésirabl­es, que l’on veut détruire, et qui vont décider d’être plus désirables que jamais. Qui vont décider de se faire belles, de chanter, de danser, de tomber amoureuses, de donner la vie, dans un endroit fait pour la mort. Par rapport à tout ce qu’on vit aujourd’hui, c’est un message très universel, intemporel. »

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