Le Journal de Quebec

Vague de fugues chez les jeunes

Le Réseau Enfants-retour sonne l’alarme quant au nombre jamais vu de disparitio­ns de mineurs québécois

- MAGALIE LAPOINTE

L’année 2017 est en voie de battre tous les records en matière de fugues au Québec. Jamais autant de jeunes n’ont été portés disparus qu’au cours des derniers mois, alerte le Réseau Enfants-retour.

La situation n’a jamais été aussi grave depuis que l’organisme a été créé, il y a 32 ans, dénonce sa directrice, Pina Arcamone, qui sonne l’alarme.

Selon les chiffres qu’il recense, déjà 71 dossiers de fugues ont été traités depuis le début 2017 (en date d’hier). Or, pour l’ensemble de l’année 2016, 67 cas avaient été ouverts par l’organisme. C’est donc dire que, si la tendance se maintient, 2017 comptera presque deux fois plus de fugues que l’année précédente.

Si la majorité des jeunes qui ont fugué dans les derniers mois ont été retrouvés, six d’entre eux manquent toujours à l’appel, et ce, depuis des mois (voir page 2).

Il s’agit là d’un autre record, selon Mme Arcamone. « Nous n’avons jamais vu autant de longues disparitio­ns en si peu de temps, c’est triste », laisse-t-elle tomber.

SANTÉ MENTALE

D’après la directrice du Réseau, les problèmes de santé mentale des fugueurs sont à la hausse, ce qui pourrait expliquer en partie la vague actuelle.

« Depuis cinq ans, on a plus de jeunes avec des troubles de santé mentale et des problèmes de comporteme­nt. Plusieurs refusent de prendre leur médication, mais s’automédica­mentent avec différente­s drogues » , explique Pina Arcamone.

« Dans quel état l’enfant se retrouve ? Avec qui ? Et de quelle façon le jeune est traité ? Lors d’une fugue, la vie du jeune est en péril au même titre que dans un dossier d’enlèvement. On ne peut jamais prendre un dossier de fugue à la légère, car l’enfant est aussi en danger », a-t-elle ajouté.

Les statistiqu­es démontrent que 65 % des fugueurs reviennent à la maison dans les premières 24 heures, puis 90 % après une semaine.

Or, cette fois, un garçon est porté disparu depuis 230 jours (décembre 2016), une fille depuis 118 jours, une autre depuis 104 jours, puis quatre autres depuis plusieurs semaines.

INQUIÉTUDE

Depuis six ans, Christine Garand ne compte plus le nombre de fugues de sa fille Gabrielle Dubuc, 17 ans, qui a des troubles de santé mentale (TDAH et trouble de personnali­té limite). L’adolescent­e a quitté la demeure familiale la première fois alors qu’elle avait 11 ans. Depuis trois ans, elle fuit constammen­t le Centre jeunesse de Laval, où elle habite. En tout, elle a quitté ses résidences une trentaine de fois depuis six ans.

Avant aujourd’hui, sa plus longue fugue était celle de juin 2016. Elle n’avait pas donné de nouvelles pendant 28 jours. Aujourd’hui, la mère de Gabrielle Dubuc en sera bientôt à sa 50e journée sans voir sa fille.

Selon l’agent Franco Digenova, du Service de police de Laval, les fugueurs prennent de l’expérience chaque fois et développen­t des trucs pour empêcher les policiers de les retrouver. Changer de nom sur Facebook et utiliser un téléphone cellulaire à la carte sont des méthodes auxquelles ont couramment recours ces adolescent­s.

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PHOTO PIERRE-PAUL POULIN La directrice du Réseau Enfants-retour, Pina Arcamone, pose devant les photos de jeunes toujours portés disparus. « Ces photos sont affichées dans nos bureaux afin que ces enfants ne soient jamais oubliés », indique-t-elle.

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