Le Journal de Quebec

québec perd un Grand homme

- MICHEL BERGERON

Québec a perdu un grand homme, vendredi. Maurice Filion a marqué le monde du hockey de la vieille capitale au même titre que Jean Béliveau ou Guy Lafleur.

Depuis que j’ai appris la triste nouvelle, le fil des huit ans de ma vie passés en compagnie de Maurice défile dans ma tête.

Je me souviens de notre première rencontre. J’étais entraîneur des Draveurs de Trois-rivières et il voulait me rencontrer. Il m’avait alors offert d’être son adjoint derrière le banc des Nordiques.

Après six matchs seulement, il m’avait demandé de venir le rejoindre dans sa chambre d’hôtel à Winnipeg et il m’avait dit qu’il me nommait entraîneur-chef de l’équipe. À partir de là, Maurice et moi avons vécu une relation extraordin­aire. C’était mon confident, et parfois j’avais l’impression qu’il était mon père adoptif. Il s’occupait de ma famille, il demandait des nouvelles de mes proches et il était au courant de tout ce qui se passait dans ma vie.

Je l’appelais à toute heure du jour ou de la nuit. Parfois même, je le fâchais, car je réveillais tout le monde chez lui. Mais il était toujours là pour m’écouter.

ÉVÉNEMENTS MARQUANTS

Quand je pense à Maurice, trois événements me viennent en tête. Tout d’abord, en 1985, des rumeurs circulaien­t selon lesquelles les Nordiques s’apprêtaien­t à me congédier. On venait de perdre un troisième match sur la route et, en revenant de Boston, Maurice m’avait invité à aller manger avec lui au Marie-antoinette, sur le boulevard Hamel.

Il était 2 h 30 et j’étais convaincu que c’était terminé. Pourtant, il m’avait dit de ne pas m’inquiéter et pour m’en assurer il m’avait fait signer une prolongati­on de contrat de trois saisons sur une serviette de table !

Par la suite, en 1987, je me souviendra­i toujours de sa visite dans mon bureau un matin, avant une rencontre face aux Whalers de Hartford. Il était entré avec les larmes aux yeux et m’avait dit que si nous ne gagnions pas ce soir-là, il serait obligé de me congédier.

Finalement, nous avions gagné le match et il était venu me voir avec mon conseiller de l’époque, Pierre Lacroix, et il m’avait juré que plus jamais il ne me ferait cela et qu’il démissionn­erait avant de me faire vivre un autre scénario de ce genre!

Puis, toujours en 1987, le moment où il m’a cédé aux Rangers de New York restera gravé dans ma mémoire à jamais. Je savais qu’il le faisait à contrecoeu­r et, surtout, qu’il le faisait pour mon bien.

Car c’était une priorité pour lui, toujours. Il prenait soin de moi comme de son propre fils.

UN GRAND VIDE

Le départ de Maurice Filion crée un grand vide, autant pour moi que pour le monde du hockey en général.

Il avait un charisme incroyable. C’était un homme bon et beau. Il prenait un soin jaloux de sa condition physique, et encore récemment, il faisait des promenades avec sa femme Fernande dans les rues de Charlesbou­rg.

Sur le plan personnel, c’est lui qui m’a offert ma première chance, mais il ne fait aucun doute qu’il a sa place parmi les hommes de hockey ayant le plus fait grandir le hockey dans la vieille capitale.

Son nom figure au plafond du Centre Vidéotron, mais je crois qu’il mérite un autre honneur. Une salle, une place, une rue. Je ne sais pas, mais ce serait la moindre des choses d’immortalis­er, à Québec, l’héritage de ce grand homme.

Si Québec lui doit beaucoup, moi, je lui dois tout. Salut, Maurice !

– Propos recueillis par Kevin Dubé

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