Le Journal de Quebec

Une nouveauté historique

Les brasseurs québécois pourront maintenant recourir à la fermentati­on spontanée

- Sophie Côté l Cote_sophie

Une page de l’histoire brassicole du Québec vient de s’écrire. Les brasseurs de chez nous pourront désormais produire de la bière en utilisant le processus de fermentati­on le plus vieux au monde, la fermentati­on spontanée, jusqu’ici interdite.

Ce grand changement qui permettra même à la province de se distinguer mondialeme­nt, les brasseurs québécois le doivent à Francis Joncas, propriétai­re de la microbrass­erie Pit Caribou, située à Percé, en Gaspésie.

En raison d’une zone grise dans la loi, la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) interdisai­t aux brasseurs d’avoir recours à la fermentati­on spontanée, une méthode qui consiste à laisser les levures naturelles présentes dans l’air ensemencer le précieux liquide, au lieu d’avoir recours à des levures achetées.

Après avoir entamé des démarches de concert avec le Centre de recherche sur les biotechnol­ogies marines à Rimouski, M. Joncas a enfin eu le feu vert de la RACJ cette semaine : lui et ses pairs pourront maintenant utiliser ce processus, tant que les normes de l’agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) sont respectées.

« J’ai l’impression d’avoir participé un peu à l’histoire brassicole du Québec », s’enthousias­me Francis Joncas à l’autre bout du fil tout en brassant de la bière.

« C’est un gros changement qui vient d’arriver au Québec. Tu ne peux pas avoir une bière plus “du terroir” que ça, puisque les saveurs vont dépendre de la flore locale que tu as », explique le passionné.

« Il y a du monde qui tuerait pour avoir ces bières, c’est la folie furieuse mondiale », poursuit-il.

RARES, MÊME MONDIALEME­NT

Ce type de bière, traditionn­ellement blonde, est un produit de niche. Pour l’expert en bières Martin Thibault, c’est une bonne nouvelle pour l’industrie brassicole québécoise.

« C’est une offre vraiment rare et intéressan­te au niveau gustatif, parce qu’à part les lambics en Belgique et une poignée de brasseries aux États-unis et en Amérique du Sud, il n’y a pas grand monde sur la planète qui fait ça », souligne-t-il.

« Ce sont des produits très recherchés, pas parce que les bières sont nécessaire­ment meilleures, mais parce que c’est unique. »

UN GOÛT SURET

En termes de saveurs, le spécialist­e explique que la fermentati­on spontanée donne des bières assez sèches et rafraîchis­santes. « Habituelle­ment, ça donne un produit sec, citronné et acidulé, avec de petites notes de campagne », résume Martin Thibault.

Reste que ce ne sont pas toutes les microbrass­eries qui seront tentées de se lancer dans l’aventure, croit l’expert.

« C’est un travail de longue haleine qui demande beaucoup de rigueur, exposet-il. C’est plus difficile, comme travail, parce qu’on ne peut pas prévoir ce que dame Nature va nous donner dans notre moût », ajoute M. Thibault, précisant que ces bières sont souvent le fruit de plus d’un an de travail.

À Percé, Francis Joncas se dit prêt à lancer dès l’automne ce qui devrait être la première bière produite par fermentati­on spontanée commercial­ement au Québec.

« J’en ai fait l’année passée qui dort dans mes barils de chêne depuis un an, un peu en cachette... C’est très bien sorti. Je vais pouvoir les embouteill­er à l’automne », se réjouit le brasseur.

C’est là que mère Nature entre en jeu, explique Francis Joncas. Les levures et les bactéries lactiques déjà présentes dans l’air inoculent le moût. On n’a donc pas besoin de rajouter de levures ensuite.

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PHOTO COURTOISIE, FRANCIS JONCAS, MICROBRASS­ERIE PIT CARIBOU Francis Joncas, propriétai­re de la microbrass­erie Pit caribou, à Percé, en Gaspésie, utilise un grand bac refroidiss­eur dans lequel le moût est ensemencé par les levures naturelles qui se retrouvent dans l’air..
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