Le Journal de Quebec

Un détenu de Bordeaux s’inspire de Guantanamo

- ERIC THIBAULT

Un récidivist­e montréalai­s a dit avoir été forcé à introduire du cannabis à la prison de Bordeaux par des codétenus qui l’auraient torturé en simulant sa noyade, comme l’ont subi de présumés terroriste­s incarcérés à Guantanamo.

L’évocation de la technique controvers­ée du waterboard­ing, déjà utilisée par la CIA, était possibleme­nt une première dans le système de justice québécois, mais elle n’a toutefois pas permis à Christophe­r Bélair d’être acquitté, la semaine dernière, de l’accusation qui pesait sur lui.

Le juge David Simon a conclu qu’il ne croyait « aucunement » la défense présentée par l’homme de 37 ans.

Bélair purgeait sa seconde peine pour des crimes liés aux stupéfiant­s quand deux sachets « de forme cylindriqu­e d’environ 9 cm [de longueur] par 3 cm de circonfére­nce » bourrés de cannabis ont été découverts dans son rectum par les agents correction­nels, ainsi qu’un autre dans ses sous-vêtements, le 22 octobre 2014.

Le prisonnier a admis qu’il avait reçu les 210 g de stupéfiant­s de détenus travaillan­t à la buanderie de l’établissem­ent carcéral centenaire, pour les refiler à un trafiquant incarcéré.

EAU BOUILLANTE

À son procès, Bélair s’est défendu en expliquant qu’on l’avait contraint à commettre ce crime par un moyen plutôt inusité.

Quelques jours avant de se faire prendre, le « caïd » de son secteur de détention serait entré dans sa cellule « avec de l’eau bouillante » et une guenille.

Ce détenu doté d’une « ostie de paire de bras », aux dires de l’accusé, lui avait déjà prêté 74 $ pour sa cantine, une somme que Bélair n’avait pas réussi à lui rembourser.

Pour régler sa dette au caïd, on voulait qu’il camoufle dans ses cavités corporelle­s la drogue qui arrivait de l’extérieur pour ensuite l’introduire à l’intérieur des ailes de détention. L’accusé a d’abord refusé avant de « suffoquer ».

« Il s’est fait frapper. [Le caïd] lui a appliqué la guenille sur le visage pendant que d’autres détenus lui tenaient les pieds. Pour reprendre les termes exacts de l’accusé, “[on] lui crissait de l’eau dans la face à répétition”. Il dit alors ne pas avoir eu le choix d’accepter », a relaté le juge Simon dans sa décision du 24 juillet.

INCOHÉRENC­ES

Estimant que « certaines parties du témoignage paraissent plausibles », le magistrat ajoute cependant que plusieurs pans de la version de Bélair étaient « sans queue ni tête » ou d’une « incohérenc­e frappante ».

Ainsi, après son intercepti­on par les gardiens, Bélair serait retourné dans la même aile de détention pendant 63 jours, sans subir les moindres représaill­es de la part de ceux qui l’auraient forcé à faire la « mule ».

Pour le juge, « il est inconcevab­le que la perte des stupéfiant­s et le non-remboursem­ent de leur valeur n’aient pas entraîné de représaill­es physiques, alors même qu’un refus de les transporte­r allait, dans l’esprit de l’accusé, inévitable­ment mener à l’infliction de lésions corporelle­s ».

Christophe­r Bélair recevra sa peine en octobre.

Newspapers in French

Newspapers from Canada