Vive opposition à la réduction de la limite d’alcool au volant
Le gouvernement fédéral aimerait que la loi passe de 80 à 50 mg par 100 ml de sang
Des intervenants du milieu de la sécurité automobile, de l’éducation à l’alcool et de la restauration ont froidement accueilli hier le souhait de la ministre fédérale de la Justice d’abaisser la limite légale d’alcool pour conduire.
« Cette mesure tombe du ciel et prend le problème par le mauvais bout, s’indigne le directeur de l’organisme Éduc’alcool, Hubert Sacy, qui dit qu’ottawa l’a pressé d’obtenir son avis sur la question en juin. C’est une question trop sérieuse pour être laissée à une intuition du moment et à une consultation d’été. »
Citant de nouvelles recherches scientifiques, la ministre de la Justice du Canada, Jody Wilson-raybould, marque sa préférence pour l’abandon du « 0,08 » précisé dans le Code criminel, en faveur d’une nouvelle limite, à 50 mg par 100 ml de sang (0,05).
« Je crois qu’une telle limite permettrait de mieux contrer le danger que posent les conducteurs qui ont consommé de l’alcool », écrit Mme Wilson-raybould dans une lettre révélée par La Presse et destinée à son homologue québécoise Stéphanie Vallée. Le Journal a obtenu une copie du document daté du 23 mai.
Le bureau de Mme Wilson-raybould a par la suite précisé que la lettre était « consultative » et que la décision finale n’a pas été prise.
Le gouvernement du Québec a déjà envisagé d’imposer le 0,05 comme d’autres provinces (voir autre texte), mais y a renoncé en 2010. Il n’a pas encore répondu à la demande d’ottawa et le dossier est « toujours sous analyse », affirme le bureau de Stéphanie Vallée.
LEVÉE DE BOUCLIERS
Le milieu de la restauration est depuis longtemps opposé à cette idée.
« Nos clients ne viennent plus prendre de nombreuses consommations chez nous. Ils viennent prendre une ou deux consommations pour leur 5 à 7. Ce sont eux qui seront pénalisés, et ils vont rester chez eux », croit Éric Gaudreault, propriétaire du resto-bar le Troquet, à Gatineau.
Il estime que trois clients sur quatre se déplacent en voiture, une réalité pour la majorité des bars et restaurants situés en région. Ceux-ci souffriraient d’une réduction de la limite à 0,05, selon l’association des restaurateurs du Québec.
« La solution, pour nous, n’est pas d’abaisser le seuil légal, mais plutôt d’intensifier les contrôles routiers », affirme Martin Vézina, conseiller en affaires publiques auprès de ce groupe de pression.
Même Caa-québec se montre peu enthousiaste à mettre en place cette mesure « louable », mais « trop brusque pour le Québec ».
« Avec la légalisation du cannabis dans moins d’un an, Caa-québec croit que le moment d’introduire une telle mesure est mal choisi », indique l’association automobile.
PEU NOMBREUX
Les données de la SAAQ démontrent qu’un peu moins de 40 % des conducteurs décédés en 2013 avaient un taux d’alcoolémie supérieur à 80 mg, mais que seulement 2 % d’entre eux avaient un taux variant de 51 mg à 80 mg.
Cela est tout de même trop pour les Mères contre l’alcool au volant (MADD), qui considèrent que « tous les moyens » doivent être pris pour sauver des vies.
« C’est la première cause de décès chez les jeunes et la première cause de décès criminels au pays », rappelle sa porte-parole pour Montréal, Theresa-anne Kramer.
À savoir si imposer une nouvelle limite contribuerait à engorger les tribunaux, la ministre Wilson-raybould précise dans sa lettre qu’un projet de loi récemment déposé, le C-46, accélérera les délais de traitement des causes d’alcool au volant.