Camping à l’urgence
Les vacances font du bien, on décroche de tout, mais c’est fou comme la réalité des services publics made in Québec nous ramène promptement les deux pieds sur terre.
Malheureusement, un problème de santé inopiné à fiston nous a conduits à l’urgence un dimanche ensoleillé.
Malgré la douleur aiguë, il a fallu quatre heures d’attente et de consultation avant de repartir, sans réponse sur la nature de l’affliction. La crise semblait passée. C’est là que ça se gâche. Le mal devenu moins intense a néanmoins perduré.
Après quelques jours, d’autres examens s’imposaient et Info santé nous recommandait de retourner à l’urgence.
Je me suis présenté avec mon petit pote mal en point, en plein vendredi après-midi, sachant qu’il n’était pas en danger de mort et que l’attente risquait de nous conduire à la catatonie. Et ce fut le cas. Nous avons croupi sept heures pour voir le médecin. Sept heures. Et nous étions loin d’être les seuls. Tous à attendre, à la fois nerveusement et désillusionnés, que notre nom soit appelé au microphone.
LA LOTERIE DU DÉSESPOIR
« Cet été, ça ne lâche pas, on voit des dix heures d’attente », m’a confié une infirmière.
Un adolescent blanc comme un drap a déplié d’un coup, foudroyé par une décharge de bonheur, en entendant l’appel. L’heureux élu. Comme s’il avait gagné une job à vie dans la fonction publique.
Un sexagénaire blessé, saignant à la tête, sombrait dans un coma de platitude.
Au moins, il n’aura plus besoin de points de suture quand son tour viendra à la tombée de la nuit. La coupure aura eu le temps de se refermer toute seule (!).
Entre parents, vêtus de bermudas et de gougounes, vestiges des plaisirs ludiques estivaux, on regardait nos bronzages disparaître graduellement sous les néons blafards.
Certains sont mieux préparés. Ils se sont fait un lunch, ont apporté des couvertures.
Fiston et moi, au fil des heures, l’estomac nous est tombé dans les talons en provoquant un bruit caverneux. Nous avons jaugé sans enthousiasme une kitkat au cacao, à 2,50 $.
Pas de chocolat au lait, ce qui complétait la morosité ambiante.
SURCHARGÉ
Lorsque le médecin finit par nous voir, je fus envahi d’une irrésistible envie de le prendre au collet en constatant qu’il écoutait peu ma description du mal lancinant à l’origine de notre calvaire d’attente.
Mais, le pauvre (pas au sens propre) semblait dépassé par la charge de travail.
Trois heures de plus ont été nécessaires pour une prise de sang et une radiographie.
Après plus de dix heures de supplice au total, nous avons quitté vers 1 h du matin, malheureusement toujours sans réponse (ça arrive) et avec une prescription pour un autre examen à 9 h 30.
Ah, j’oubliais, il a fallu payer 16 $ de stationnement dans la borne automatisée, pour conclure l’expérience sur une note positive!