Le fédéral accusé de « faire l’autruche »
Le gouvernement Trudeau refuse de dévoiler le nombre de demandeurs d’asile à la frontière
OTTAWA | Le gouvernement Trudeau a beau répéter que tout est sous contrôle à la frontière, plusieurs l’accusent de se mettre la tête dans le sable en refusant d’appeler une « crise » la vague de migrants haïtiens.
« Il est temps que le gouvernement de Justin Trudeau fasse face à la réalité et arrête de jouer à l’autruche. Selon eux, tout est beau, le monde est un gros Calinours, et les problèmes se règlent tous seuls […] Nommons les crises par leur nom et traitons-les ensuite », s’est exclamé Alain Rayes, député et lieutenant du Québec pour le Parti conservateur.
Depuis deux semaines, des milliers de réfugiés haïtiens traversent la frontière irrégulièrement à Saint-bernard-de-lacolle, en provenance des États-unis, en raison de la politique anti-immigration de Donald Trump. Les douaniers sont si débordés que les vérifications de base à la frontière peuvent prendre des jours. L’armée a donc dû établir des camps d’hébergement et des douches pour accommoder les migrants en attendant.
Environ 1000 à 1200 personnes étaient dans les camps hier, selon l’agence des services frontaliers du Canada (ASFC). À ceux-ci s’ajoutent quelque 3110 demandeurs d’asile en centres d’hébergement dans la région montréalaise, selon l’organisme chargé de loger les migrants à Montréal.
« On ne semble pas être à l’écoute des enjeux sur le terrain. Le fait de dire que ce n’est pas une crise reflète un certain laxisme face à un problème qui est très sérieux, et c’est un peu inquiétant », a réagi pour sa part Matthew Dubé, porte-parole du NPD en matière de sécurité publique et de protection civile.
SOUS CONTRÔLE
Or, plusieurs ministres et porte-parole fédéraux assurent que la situation est maîtrisée.
« Vraiment, je suis impressionnée. Les gens [les agents des douanes] ont bien le contrôle sur la situation [à la frontière]. Tout se passe bien. On respecte la dignité humaine. Comme ministre du Développement international, c’est un enjeu qui est important pour moi. Et, d’abord et avant tout, on assure la sécurité des Canadiens », a soutenu la ministre Marie-claude Bibeau lors d’une visite du site hier.
« Ce n’est certainement pas une crise. On a déjà fait face à des passages irréguliers dans le passé, ce n’est pas la première fois que ça nous arrive », avait indiqué la veille le ministre des Transports Marc Garneau.
INFORMATION MANQUANTE
Quasi impossible toutefois d’avoir le portrait juste de la situation de la part du gouvernement. Malgré de nombreuses demandes du Journal, ni L’ASFC ni le ministère de l’immigration n’acceptent de diffuser le nombre de demandeurs d’asile qui se présentent à la frontière.
« Ce n’est pas du tout normal que l’information soit aussi difficile d’accès […] On a vraiment l’impression que le gouvernement est pris avec une patate chaude qu’il a lui-même créée, et maintenant il évite de donner la bonne information pour cacher l’état de la situation », a indiqué M. Rayes.
D’ailleurs, selon les données du gouvernement consultées par Le Journal, environ une demande d’asile sur deux d’une personne haïtienne est refusée depuis les quatre dernières années.
— Avec Matthieu Payen