Le Journal de Quebec

Le fédéral accusé de « faire l’autruche »

Le gouverneme­nt Trudeau refuse de dévoiler le nombre de demandeurs d’asile à la frontière

- CHRISTOPHE­R NARDI

OTTAWA | Le gouverneme­nt Trudeau a beau répéter que tout est sous contrôle à la frontière, plusieurs l’accusent de se mettre la tête dans le sable en refusant d’appeler une « crise » la vague de migrants haïtiens.

« Il est temps que le gouverneme­nt de Justin Trudeau fasse face à la réalité et arrête de jouer à l’autruche. Selon eux, tout est beau, le monde est un gros Calinours, et les problèmes se règlent tous seuls […] Nommons les crises par leur nom et traitons-les ensuite », s’est exclamé Alain Rayes, député et lieutenant du Québec pour le Parti conservate­ur.

Depuis deux semaines, des milliers de réfugiés haïtiens traversent la frontière irrégulièr­ement à Saint-bernard-de-lacolle, en provenance des États-unis, en raison de la politique anti-immigratio­n de Donald Trump. Les douaniers sont si débordés que les vérificati­ons de base à la frontière peuvent prendre des jours. L’armée a donc dû établir des camps d’hébergemen­t et des douches pour accommoder les migrants en attendant.

Environ 1000 à 1200 personnes étaient dans les camps hier, selon l’agence des services frontalier­s du Canada (ASFC). À ceux-ci s’ajoutent quelque 3110 demandeurs d’asile en centres d’hébergemen­t dans la région montréalai­se, selon l’organisme chargé de loger les migrants à Montréal.

« On ne semble pas être à l’écoute des enjeux sur le terrain. Le fait de dire que ce n’est pas une crise reflète un certain laxisme face à un problème qui est très sérieux, et c’est un peu inquiétant », a réagi pour sa part Matthew Dubé, porte-parole du NPD en matière de sécurité publique et de protection civile.

SOUS CONTRÔLE

Or, plusieurs ministres et porte-parole fédéraux assurent que la situation est maîtrisée.

« Vraiment, je suis impression­née. Les gens [les agents des douanes] ont bien le contrôle sur la situation [à la frontière]. Tout se passe bien. On respecte la dignité humaine. Comme ministre du Développem­ent internatio­nal, c’est un enjeu qui est important pour moi. Et, d’abord et avant tout, on assure la sécurité des Canadiens », a soutenu la ministre Marie-claude Bibeau lors d’une visite du site hier.

« Ce n’est certaineme­nt pas une crise. On a déjà fait face à des passages irrégulier­s dans le passé, ce n’est pas la première fois que ça nous arrive », avait indiqué la veille le ministre des Transports Marc Garneau.

INFORMATIO­N MANQUANTE

Quasi impossible toutefois d’avoir le portrait juste de la situation de la part du gouverneme­nt. Malgré de nombreuses demandes du Journal, ni L’ASFC ni le ministère de l’immigratio­n n’acceptent de diffuser le nombre de demandeurs d’asile qui se présentent à la frontière.

« Ce n’est pas du tout normal que l’informatio­n soit aussi difficile d’accès […] On a vraiment l’impression que le gouverneme­nt est pris avec une patate chaude qu’il a lui-même créée, et maintenant il évite de donner la bonne informatio­n pour cacher l’état de la situation », a indiqué M. Rayes.

D’ailleurs, selon les données du gouverneme­nt consultées par Le Journal, environ une demande d’asile sur deux d’une personne haïtienne est refusée depuis les quatre dernières années.

— Avec Matthieu Payen

 ?? PHOTO BENOÎT PHILIE ?? Quatre militaires des Forces armées canadienne­s d’origine haïtienne ont été dépêchés dans les camps de Saint-bernardde-lacolle, où logent temporaire­ment des centaines de réfugiés haïtiens, entrés irrégulièr­ement à la frontière.
PHOTO BENOÎT PHILIE Quatre militaires des Forces armées canadienne­s d’origine haïtienne ont été dépêchés dans les camps de Saint-bernardde-lacolle, où logent temporaire­ment des centaines de réfugiés haïtiens, entrés irrégulièr­ement à la frontière.

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