Le Journal de Quebec

Le miracle d’elvis Presley

- Réjean Tremblay

MEMPHIS | Le miracle d’elvis, ce n’est pas de voir des dizaines de milliers de personnes installées pour la nuit devant Graceland sur Elvis Presley Boulevard, quarante ans après sa mort. Même si, pour la première fois en quarante ans, les fans devaient payer hier 28 $ pour rendre hommage à leur king.

Ce n’est pas de se rendre à une de ces convention­s qui se tiennent dans les hôtels aux environs de Graceland. On y croise des Elvis japonais, australien­s, iraniens, américains… et québécois. Ils flânent devant les tables et les étalages de disques, de livres et de souvenirs racontant en images, en mots et en sons la légende d’elvis.

Le miracle d’elvis, c’est qu’un jeune homme de 19 ans ait pu traîner sur Baele Street à écouter le blues des « Coloured People » sans se faire éjecter de la rue.

Le miracle, le vrai, c’est qu’à 19 ans, Elvis a décidé d’enregistre­r un vieux blues d’arthur Crudup avec la guitare de Scotty Moore et la grosse contrebass­e de Bill Black en le rendant plus dansant.

Le miracle, c’est qu’un DJ à la radio de Memphis ait osé faire jouer un blues chanté par un jeune Blanc. Parce qu’en 1954, il y avait le pop de New York, le western de Nashville, le gospel du Sud et le blues de la Louisiane, de l’arkansas et de Memphis. Et qu’on ne mêlait surtout pas les races ni les styles à la radio. Dans les magazines traitant du marché de la musique, les disques enregistré­s par les Noirs étaient classés sous la rubrique : Racial music.

UNE VILLE RACISTE

On est en 2017 et les nazis et les racistes blancs ont enflammé Charlottev­ille la semaine dernière. Le débat sur les évènements déchire l’amérique profonde.

On est en 2017 et pourtant, la semaine dernière, à 10 kilomètres de Harrison dans les montagnes de l’arkansas, le biker était accueilli par un immense panneau publicitai­re qui clamait : « Diversité est un mot de code pour génocide des Blancs ». D’autres qui incitaient les gens à écouter la station blanche de la région. « Parce qu’aimer les Blancs n’est pas raciste !!! » Des panneaux impensable­s au Québec. À Little Rock, la capitale de l’arkansas, il y a un monument honorant les « jeunes neuf », ces jeunes Noirs qui tentèrent de défier les barrières raciales et d’entrer dans une école blanche. Ça se passait en 1957. Ils échouèrent et quelques années plus tard, les émeutes éclataient à Little Rock, à Detroit et ailleurs en Amérique.

Jusqu’à l’assassinat de Martin Luther King en 1968.

Ça faisait déjà quatorze ans qu’elvis chantait le blues. Hound Dog était un succès de Big Mama Thorton et le « hound dog » en question était son pimp. One Night venait de Fats Domino et la version originale s’appelait One Night of Sin. Plus cochon.

Le miracle, c’était qu’elvis ait pu être ami avec BB King, Little Richard, Fats Domino et James Brown.

Et que sans le savoir, il ait ouvert de grandes portes sur une culture opprimée pour tout le monde.

Il n’y a pas de hasard. Hier, sur le coup de 20 h 30, on a fait jouer pour des milliers de fans America et If I can dream. Une chanson à la gloire de l’amérique et de la tolérance.

 ??  ?? Plusieurs fans du King se sont rassemblés hier soir à la mémoire du célèbre chanteur américain qui est décédé il y a quarante ans. PHOTO COURTOISIE
Plusieurs fans du King se sont rassemblés hier soir à la mémoire du célèbre chanteur américain qui est décédé il y a quarante ans. PHOTO COURTOISIE
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