Le Journal de Quebec

Encore plusieurs années d’erreurs à venir

- BORIS PROULX boris.proulx@quebecorme­dia.com

OTTAWA | Des fonctionna­ires fédéraux pourraient être victimes du système de paie Phénix pendant encore des années, craignent-ils.

« On tente encore de conserver un système qui ne marche pas. Je pense qu’on en a encore pour plusieurs années », confie Magali Picard, porte-parole de l’alliance de la fonction publique du Canada.

Il semble qu’à mesure que des problèmes de rémunérati­on sont réglés, de nouveaux problèmes surviennen­t, plongeant sans cesse des employés gouverneme­ntaux dans l’insécurité de ne pas savoir si l’argent rentrera comme prévu dans leur compte de banque.

La seule solution, selon Stéphane Aubry, de l’institut profession­nel de la fonction publique, est de scruter un par un les dossiers. « Sur 300 000 fonctionna­ires, le temps de trouver tous ceux qui ont des problèmes, on en a pour des années. »

VARIÉS

Même plus d’un an après les excuses du gouverneme­nt envers ses employés, Phénix est toujours incapable de payer correcteme­nt des fonctionna­ires. Ce sont surtout ceux qui composent avec un changement de statut qui en font les frais, puisque le logiciel tarde à mettre à jour leur état ou commet une erreur en le faisant.

Le système bousille plus souvent la paie d’employés qui deviennent parents, qui tombent malades, qui prennent leur retraite ou qui reçoivent une promotion temporaire. Ces fonctionna­ires voient des montants disparaîtr­e de leur chèque de paie, parfois pour des mois.

Le fédéral s’engage à redonner les montants en souffrance, et offre de rembourser certains frais engendrés par les problèmes de Phénix.

DES MILLIERS

Le nombre d’employés dont la paie est altérée par le système Phénix n’est pas rendu public. Au plus fort de la crise, le gouverneme­nt a estimé à 80 000 le nombre de fonctionna­ires touchés. Des syndicats soutiennen­t que jusqu’à 100 000 d’entre eux pourraient avoir été incorrecte­ment payés, soit le tiers de toute la fonction publique fédérale.

Les nombreuses victimes de Phénix rencontrée­s par Le Journal ont toutes décrit le sentiment de profond découragem­ent qui les habite. Il était difficile ou impossible pour eux de contacter le Centre de paie, où seuls des téléphonis­tes qui connaissen­t mal leur dossier leur répondent.

La plupart des problèmes sont survenus après la mise en oeuvre du logiciel de paie Phénix par le gouverneme­nt libéral au printemps 2016, laissant croire aux partis d’opposition que Phénix a été mis en service trop vite, contre l’avis des syndicats. Or, c’est le gouverneme­nt précédent de Stephen Harper qui a donné à IBM le contrat de construire ce logiciel.

Les conservate­urs ont aussi mis à pied des centaines de spécialist­es de rémunérati­on au pays pour ne garder qu’un seul Centre de paie, à Miramichi, Nouveau-brunswick.

L’aventure promettait des économies de 70 M$ par an. Il est aujourd’hui clair qu’aucune économie ne sera réalisée. Au contraire, le système coûtera aux contribuab­les canadiens des centaines de millions de dollars.

Le gouverneme­nt canadien ne publie plus de date butoir pour régler tous les problèmes de son nouveau système de paie.

RECOURS COLLECTIF ?

La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique empêche les fonctionna­ires de s’adresser aux tribunaux pour leurs problèmes d’emploi, et prévoit son propre processus de griefs et de plaintes.

Des syndicats ont déjà déposé des « griefs de principe », qui font office de recours collectif à l’interne. En parallèle, une ex-employée occasionne­lle du gouverneme­nt a lancé une demande de recours collectif qui tentera tout de même de représente­r les 300 000 fonctionna­ires, mais qui n’a toujours pas été acceptée par la Cour.

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PHOTO D’ARCHIVES, BEN PELOSSE Magali Picard, Alliance de la fonction publique.
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STÉPHANE AUBRY Institut profession­nel de la fonction publique
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