Le Journal de Quebec

Des morts annoncées

- MARIO DUMONT mario.dumont@quebecorme­dia.com

Rarement voyonsnous venir aussi clairement une nouvelle cause de mortalité en sachant qu’elle va devenir une plaie. C’est le cas du fentanyl. Un tueur qui fait des ravages ailleurs en Amérique du Nord et qui s’approche de nous mois après mois.

La fin de semaine dernière nous a fourni un autre avertissem­ent. Sept cas de surdoses sont survenus en quelques heures dans l’est de Montréal. Heureuseme­nt, toutes ces personnes ont eu la vie sauve… cette fois-ci. Le SPVM rapporte néanmoins deux décès liés au fentanyl depuis le début de l’été.

Plusieurs voient dans ces événements le début de la crise du fentanyl au Québec. Et bon nombre d’intervenan­ts sociaux affirment que nous sommes trop peu préparés malgré les avertissem­ents répétés.

Cette progressio­n fulgurante du nombre de morts n’est pas en voie de s’arrêter.

CHIFFRES ALARMANTS

Si l’on en parle avec autant d’inquiétude, c’est que le portrait dans d’autres provinces canadienne­s et États américains est tout simplement paniquant. En Colombie-britanniqu­e, les premiers cas de décès liés au fentanyl remontent à 2012. Il y en avait eu une douzaine. Puis 50 en 2013, 91 en 2014, 151 en 2015 et 656 en 2016.

Cette progressio­n fulgurante du nombre de morts n’est pas en voie de s’arrêter. À mi-chemin dans l’année 2017, on comptait déjà près de 800 pertes de vie.

Si l’on compare avec une autre cause de décès prématurés, les surdoses au fentanyl ont causé le double de décès que les accidents de la route en 2016 dans cette même province. Cette année, ce sera quatre à cinq fois plus. Pour la sécurité routière, nos gouverneme­nts ont investi des fortunes.

On constate une croissance alarmante du nombre de cas en Alberta aussi, et plus récemment en Ontario. Au printemps dernier, la première ministre ontarienne a d’ailleurs réuni les maires des villes dans une rencontre d’urgence afin de mettre en place une stratégie pour affronter le problème.

Le fentanyl est un opioïde puissant, principale­ment utilisé contre la douleur dans la médecine. Les sources sur le marché noir sont peu nombreuses. La substance peut passer illégaleme­nt à la frontière dans quelques cas. Mais la principale source demeure notre propre système de santé.

PRENDRE SES RESPONSABI­LITÉS

Soit des médicament­s volés à la pharmacie ou à l’hôpital, soit des prescripti­ons faites à un patient qui seront volées, détournées ou revendues. Évidemment, lorsqu’il y a une demande et des piastres à faire, quelqu’un s’efforce de créer une offre pour répondre à la demande.

Si vous parlez individuel­lement au Collège des médecins ou à l’ordre des pharmacien­s, ils vous diront qu’ils sont conscients de la menace et qu’ils prennent des mesures sérieuses pour resserrer l’accès aux opioïdes. Mais le tout ne semble pas s’inscrire dans une stratégie d’ensemble.

Surtout, on ressent peu le sentiment d’urgence qui devrait animer une société lorsqu’une nouvelle cause de mortalité aussi évidente est à nos portes. Par exemple, la RAMQ fait de la bureaucrat­ie en refusant de fournir au Collège des médecins les dossiers détaillés de prescripti­ons de fentanyl.

Comme d’habitude, il faudra des morts, des visages à la télé et des parents qui pleurent pour que le problème devienne réel.

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