Le Journal de Quebec

Un affichage français qui stagne

La nouvelle dispositio­n adoptée par le gouverneme­nt provincial ne sera pas suffisante, selon des organismes

- DOMINIQUE SCALI

La loi 101 a bel et bien permis au français de gagner du terrain sur les devantures de magasins, mais la situation stagne depuis près de trois décennies, déplorent des organismes.

« Le français dans l’affichage commercial, ça fait 25 ans que ça recule au Québec », déplore Éric Bouchard, du Mouvement Québec français.

Adoptée en 1977, la loi 101 a pourtant été efficace à transforme­r le paysage commercial du Québec. Elle est venue donner un « coup de barre » dans un Québec où l’affichage français n’existait pratiqueme­nt pas, explique Jérôme Tremblay, de l’observatoi­re national en matière de droits linguistiq­ues (ONMDL).

Très stricte à l’origine, elle exigeait que tout l’affichage soit en français. Dans la foulée de la loi, plusieurs entreprise­s ont donc francisé leur marque de commerce afin de se conformer. Par exemple, Kentucky Fried Chicken (KFC) est devenu Poulet Frit Kentucky (PFK).

APOGÉE

« Les années 1980 et le début des années 1990 ont été l’apogée de la loi 101, raconte Éric Bouchard. En 1988, j’avais 15 ans. Je me promenais et tout était en français. [Grâce à la loi], je n’ai pas vécu ce que mes parents ont vécu ».

Selon M. Bouchard, la loi a permis aux francophon­es de découvrir un paysage québécois dans lequel ils se reconnaiss­ent. « La langue, ce n’est généraleme­nt pas quelque chose qui se voit. C’est quelque chose qui s’entend. Donc l’affichage, c’est la partie visible de la loi 101 », dit-il.

Mais pendant ce temps, la loi était contestée devant les tribunaux. En 1988, l’arrêt Ford de la Cour suprême en a invalidé une grande partie : pas le droit d’exiger que l’affichage soit uniquement en français, car cela brime la liberté d’expression, a alors statué le plus haut tribunal du pays. La question de l’affichage en français est ensuite devenue une « patate chaude » pour les politicien­s, qui n’y ont plus touché pendant des décennies, explique Jérôme Tremblay.

« La Charte de 1977 a tellement été attaquée, morcelée et affaiblie qu’elle n’a pas donné les résultats escomptés », dit Jean-paul Perreault, d’impératif français. Les boutiques aux noms anglais comme Victoria’s Secret et autres Forever 21 peuvent donc se multiplier sur la rue Sainte-catherine en toute légalité, se désole-t-il.

CHANGEMENT RÉCENT

En mai 2016, le gouverneme­nt Couillard a toutefois modifié le règlement pour que les entreprise­s aient un message en français à leur affichage extérieur, sans être obligées de changer leur marque de commerce. La taille ou le pourcentag­e d’espace français ne sont pas précisés. Les entreprise­s déjà existantes ont jusqu’en novembre 2019 pour se conformer.

Selon Impératif français et le Mouvement Québec français, ce ne sera pas suffisant.

« On pourrait aller plus loin […] Ça reste très flou, abonde Jérôme Tremblay. En tant qu’observatoi­re francophil­e, on a été un peu déçus [de cette nouvelle dispositio­n] », avoue-t-il.

« Mais ça reste mal vu de ne pas respecter le caractère français du Québec. À la fin du délai, ceux qui ne se seront pas conformés risquent d’être montrés du doigt [par l’office de la langue française]. C’est de la mauvaise publicité », dit-il.

 ?? PHOTOS D’ARCHIVES ET MARTIN CHEVALIER ?? Voici ce à quoi ressemblai­t l’affichage commercial à l’angle des rues Sainte-catherine Ouest et Saint-marc, au centre-ville de Montréal, dans les années 1970 (à gauche), comparativ­ement à aujourd’hui (à droite).
PHOTOS D’ARCHIVES ET MARTIN CHEVALIER Voici ce à quoi ressemblai­t l’affichage commercial à l’angle des rues Sainte-catherine Ouest et Saint-marc, au centre-ville de Montréal, dans les années 1970 (à gauche), comparativ­ement à aujourd’hui (à droite).
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