Une bataille pour le français qui dure depuis quatre décennies
La Charte de la langue française, connue sous le nom populaire de loi 101, a été adoptée le 26 août 1977
Il y a 40 ans aujourd’hui, l’une des lois phares du gouvernement de René Lévesque était adoptée. La Charte de la langue française, ou loi 101, a changé le visage de Montréal et permis à des milliers d’enfants d’apprendre le français. Elle a également été contestée plusieurs fois. Pour ses 40 ans, voici 40 faits saillants de la loi 101. LA GENÈSE DE LA LOI
1 En mars 1969, une violente manifestation marque les esprits. Sous le slogan « Mcgill français », de 5000 à 10 000 manifestants envahissent le campus de l’université anglophone.
2 En 1972 se tient la Commission d’enquête sur la situation de la langue française et des droits linguistiques, aussi appelée commission Gendron, du nom du linguiste Jean-denis Gendron qui la préside.
3 Avant 1974, le Québec est la seule province à pratiquer le bilinguisme anglais et français au niveau institutionnel.
4 Le gouvernement de Robert Bourassa fait adopter la loi sur la langue officielle (loi 22) qui fait du français la langue officielle du Québec.
5 La loi 22 fait du français la langue officielle en matière de justice, dans l’administration publique et dans les entreprises « d’utilité publique ».
6 En novembre 1976, le Parti québécois et son chef René Lévesque sont portés au pouvoir. PHOTO D’ARCHIVES
7 Le ministre Camille Laurin, responsable de la révision de la loi sur la langue officielle, dépose un livre blanc à la fin mars 1977. Il propose une nouvelle loi linguistique.
8 Plusieurs ministres sont emballés par les propositions du ministre Laurin, mais certains ont davantage de réserves, y compris le premier ministre René Lévesque, du Parti québécois.
UNE LOI QUI BOULEVERSE TOUT
9 La Charte de la langue française (aussi appelée loi 101) est adoptée le 26 août 1977.
10 La loi 101 a été adoptée à 54 voix pour et 32 voix contre.
11 Voici la première phrase qu’on peut lire dans le préambule de la Charte : « Langue distinctive d’un peuple majoritairement francophone, la langue française permet au peuple québécois d’exprimer son identité ».
12 La Charte fait du français la langue officielle du Québec. Elle devient la langue officielle de la justice, de l’administration et des organismes parapublics. Elle est également la langue d’affichage et d’enseignement sous certaines exceptions.
13 Un enfant qui séjourne temporairement au Québec peut, à la demande de ses parents, recevoir l’enseignement en anglais.
14 Les réserves indiennes ne sont pas soumises à la loi, tout comme les personnes admissibles aux bénéfices de la Convention de la Baie-james.
15 L’assemblée nationale reconnaît le droit aux Amérindiens et Inuit de maintenir et promouvoir leurs langues d’origine.
16 Le titre III de la loi prévoit la création de l’office québécois de la langue française (OQLF).
17 Le titre IV établit le Conseil supérieur de la langue française.
18 Même si on réfère toujours à la Charte comme étant la loi 101, il existe plusieurs lois 101. À chaque législature du gouvernement, la numérotation des lois recommence. La loi 101 sur la langue française a été adoptée lors de la 31e législature.
CONTESTATIONS
19 En décembre 1979, la Cour suprême invalide sept articles de la loi 101, dont celui sur le fait que le français est la seule langue en usage devant les tribunaux et à l’assemblée nationale.
20 En 1984, la Cour suprême conclut au caractère inopérant de l’article sur la langue d’enseignement qui est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. 21 L’article 23 de la constitution adoptée deux ans plus tôt permet l’accès à l’école anglaise aux enfants des parents qui ont reçu leur instruction primaire en anglais au Canada, aux frères et soeurs d’un enfant qui a reçu ou reçoit son instruction primaire ou secondaire en anglais au Canada, et aux enfants de parents dont la langue maternelle est l’anglais.
22 En 1988, la Cour suprême invalide une section de la loi 101 sur la langue d’affichage. L’interdiction d’utiliser une autre langue que le français va à l’encontre de la liberté d’expression.
23 Robert Bourassa réagit ainsi : « Nous voulons tous – et j’inclus les minorités non francophones – protéger, promouvoir la langue et la culture françaises puisqu’il s’agit là d’une caractéristique fondamentale de notre pays et qui lui donne son originalité ».
24 Dans le tumulte suivant la décision de la Cour suprême, le gouvernement de Robert Bourassa utilise la clause dérogatoire pour maintenir l’usage exclusif du français dans la langue d’affichage pour une période de cinq ans.
25 Trois ministres anglophones quittent le gouvernement à la suite de cette décision, soit Cliford Lincoln, Herbert Marx et Richard French.
26 En 1993, une nouvelle loi modifiant la Charte de la langue française prévoit une nette prédominance du français dans l’affichage public et la publicité commerciale, l’insertion de la « clause Canada » dans la langue d’enseignement, et autorise le bilinguisme des textes de lois et de règlements.
27 En 2004, l’avocat et ancien président d’alliance Québec, Brent Tyler, est entendu par la Cour suprême. À la demande de parents, il tente de faire invalider des pans de la loi concernant la langue d’enseignement. Il prétend que de ne pas donner accès à l’école anglaise aux enfants de parents qui n’ont pas eu la majorité de leur éducation en anglais est contraire à la Charte des droits et libertés.
28 Une petite bombe éclate en 2009 avec le jugement de la Cour suprême sur les « écoles passerelles ». Celle-ci invalide les dispositions prises en 2002 par le gouvernement québécois qui voulait bloquer une façon de faire utilisée par certains parents. Ces derniers envoyaient leurs enfants dans une école anglophone non subventionnée, la première année, et étaient ensuite admissibles à l’école anglophone subventionnée par la suite.
29 Le gouvernement libéral de Jean Charest a modifié la loi un an plus tard pour encadrer le recours aux écoles-passerelles, malgré les protestations de certains qui auraient souhaité une réponse plus musclée.
CONTROVERSES
30 Le « pastagate » s’empare du Québec en 2013. Le populaire restaurant Buonanotte du boulevard Saint-laurent, à Montréal, reçoit une lettre de l’office québécois de la langue française lui reprochant notamment l’utilisation du mot « pasta » dans son menu, ainsi que d’autres mots pour décrire des plats italiens, comme « insalata » ou « calamari ». L’organisme va finalement reconnaître qu’il s’agit d’un excès de zèle.
31 L’humoriste Sugar Sammy crée la polémique avec une campagne de publicité audacieuse, en 2014. Sur une affiche dans le métro, il indique : « For Christmas, I’d like a complaint from the Office de la langue française ». La plainte est venue rapidement comme il l’espérait et l’histoire a fait le tour du Québec. Des bandes noires ont ensuite recouvert la portion en anglais du message.
32 Le maire d’huntingdon, Stéphane Gendron, est parti en guerre contre une disposition de la loi 101, en 2012, à la suite d’une plainte sur les documents municipaux bilingues. Il voulait pouvoir choisir la langue dans laquelle la municipalité s’adresse à ses citoyens. Il a même qualifié la loi de « raciste ».
33 Le consortium responsable de la construction du nouveau Centre hospitalier de l’université de Montréal (CHUM) s’est retrouvé à plusieurs reprises sur la sellette pour l’utilisation répandue de l’anglais, et même de l’espagnol, dans les locaux de la direction. Une manifestation a même eu lieu devant le chantier pour dénoncer la situation, en 2015.
DES FAITS MÉCONNUS
34 De 1977 à 2000, les décisions concernant la langue de travail étaient rendues par l’office québécois de la langue française. Cette fonction est maintenant assumée par le Tribunal administratif du Québec.
35 Les étiquettes et emballages de livres et de films ne doivent pas obligatoirement être en français.
36 En 1999, les Grands prix de L’OQLF ont été renommés Prix Camille-laurin, en l’honneur du père de la loi 101.
LE FRANÇAIS EN CHIFFRES
37 En 1971, 66,3 % de la population de la région métropolitaine de Montréal parle français, contre 24,9 % qui s’exprime en anglais. En 2011, le pourcentage de Montréalais ne parlant que le français à la maison est passé à 56,5 %.
38 Au Québec, le nombre de personnes qui ont le français comme langue maternelle est passé de 79,7 % en 2011, à 79,1 % en 2016. Par contre, le nombre de gens parlant le français à la maison est passé de 87 % à 87,1 %.
39 Selon les plus récentes statistiques de L’OQLF, 3159 plaintes ont été enregistrées en 2015-2016 ; 60 % des plaintes visent la région de Montréal et 31 % concernent l’affichage public et commercial.
40 Selon des projections de Statistique Canada, le nombre de Québécois ayant le français comme langue maternelle passera de 79 % en 2011 à entre 69 et 72 % en 2036.