La démocratie n’est pas un bulldozer
« Nous n’avons jamais prétendu être LA VOIX du peuple, mais nous disons être le peuple, dans le sens que nous ne sommes pas un parti politique, mains un groupe citoyen non partisan, nous sommes monsieur et madame tout le monde, des gens ordinaires. »
– SYLVAIN BROUILLETTE, PORTE-PAROLE DE LA MEUTE, SUR FACEBOOK
Selon les populistes, le peuple a toujours raison. La force du nombre lui confère sagesse et toute-puissance. Vox populi, vox Dei. Mais la quête du bien commun repose-t-elle sur une simple question mathématique ?
La majorité est-elle protégée contre l’erreur par le seul fait d’être majoritaire ?
Si 50+1 des Québécois croient un mensonge, se transforme-t-il en vérité ?
Par exemple, la majorité a le droit de penser que les Haïtiens du chemin Roxham sont des immigrants illégaux, et manifester contre, cela n’en fait pas pour autant une réalité objective sur laquelle le gouvernement peut se fonder pour intervenir manu militari.
Je suis pour la protection des frontières, mais soyons clairs, immigrer illégalement, c’est dire au douanier qu’on vient en touriste et disparaître dans la nature. Ce n’est pas traverser illégalement la frontière pour se jeter dans les bras du premier douanier venu.
LA TYRANNIE DE LA MAJORITÉ
Les mouvements populistes voient la démocratie comme un bulldozer, une force brute, alors que sa version parlementaire, la seule valable, tire son autorité morale de l’équilibre entre la souveraineté populaire et la protection des droits fondamentaux, y compris les droits des minorités.
Alexis de Tocqueville (18051859), auteur du livre De la démocratie en Amérique, un des plus perspicaces philosophes politiques de l’histoire moderne, écrivait « Il faut donner des droits à chaque citoyen ou n’en donner à personne. »
Il avait compris le danger qui se terre dans la « tyrannie de la majorité ».
Les gens raisonnables reconnaissent cette menace au premier coup d’oeil. Les populistes y voient plutôt dans sa dénonciation une entrave à ce qu’ils croient être le pouvoir absolu du peuple de façonner la société, même à l’image de ses préjugés.
Ainsi, c’est à cause de son système de référendums populaires que l’ensemble des femmes suisses ont dû attendre jusqu’en 1990 pour obtenir le droit de vote partout et à tous les paliers de gouvernement.
La démocratie représentative tire son autorité morale de l’équilibre entre la souveraineté populaire et la protection des droits fondamentaux de tous.
L’EXEMPLE DE LA PEINE DE MORT
Même si une majorité de Canadiens appuient la peine de mort, nos élus, tous partis confondus, doivent pouvoir choisir en toute légalité de ne pas agir en ce sens, estimant qu’accorder le droit à l’état de tuer comporte un risque trop élevé d’exécuter des innocents sans en tirer le moindre avantage juridique, moral ou économique pour compenser.
De plus, légaliser la peine de mort ferait du Canada un état meurtrier comme les pays soumis à la charia. Qui veut ça ?
« La majorité elle-même n’est pas toute-puissante », écrivait Tocqueville. « Au-dessus d’elle, dans le monde moral, se trouvent l’humanité, la justice et la raison ; dans le monde politique, les droits acquis. La majorité reconnaît ces deux barrières, et s’il lui arrive de les franchir, c’est qu’elle a des passions, comme chaque homme, et que, semblable à eux, elle peut faire le mal en discernant le bien. »