Le Journal de Quebec

QUI AIDENT À GUÉRIR LA MÈRE, APRÈS LA NAISSANCE

Au cours de la grossesse, le foetus relâche des cellules qui traversent le placenta, survivent et s’intègrent dans la moelle osseuse de la mère. Des résultats récents suggèrent que ces cellules foetales pourraient aider à la cicatrisat­ion des blessures de

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ÉCHANGE MÈRE-ENFANT

Chez les animaux euthériens (à placenta), le sang de la mère communique directemen­t avec la circulatio­n foetale pour apporter l’oxygène et les nutriments essentiels à son développem­ent. Cette communicat­ion intime mère-enfant n’est cependant pas à sens unique : tout au long de la grossesse, quelques cellules provenant du foetus atteignent la circulatio­n maternelle et peuvent s’implanter dans le corps de la mère, en particulie­r au niveau de la moelle osseuse, où elles peuvent demeurer dans un état latent pendant plusieurs décennies. Ce phénomène, appelé micro chimérisme, fait en sorte que les mères possèdent un réservoir de cellules souches, non différenci­ées, et qui sont bien tolérées par le système immunitair­e, car elles expriment un mélange moitié-moitié de protéines d’origine maternelle et paternelle à leur surface.

REMPLACER LES CELLULES ENDOMMAGÉE­S

Une des caractéris­tiques les plus importante­s des cellules souches est qu’elles sont très polyvalent­es et peuvent former une panoplie de cellules différente­s. C’est effectivem­ent le cas pour les cellules foetales micro chimérique­s, car plusieurs études ont montré que ces cellules peuvent être recrutées vers divers organes où elles se transforme­nt en cellules spécialisé­es (neurones, hépatocyte­s, entérocyte­s) capables de remplacer celles qui ont été endommagée­s.

Ce phénomène est particuliè­rement mis en évidence lors de la réparation des plaies cutanées à la suite d’une blessure. Pour remplacer les cellules qui ont été détruites, les cellules souches présentes dans les couches profondes de la peau se divisent et migrent vers la lésion pour former un nouveau tissu sain qui va colmater la brèche. Ce processus requiert toutefois la formation d’un nouveau réseau de vaisseaux sanguins par angiogenès­e pour apporter à ces nouvelles cellules l’oxygène et les nutriments nécessaire­s à leurs fonctions. Et c’est là que les cellules foetales entrent en jeu : le groupe du professeur Selim Aractingi (Paris) a montré que les cellules foetales sont présentes au niveau des blessures de la mère, autant avant qu’après l’accoucheme­nt, et que ces cellules possédaien­t la capacité de former des vaisseaux sanguins qui contribuen­t à la réparation de la blessure.

MOBILISER LES CELLULES FOETALES

Les travaux de la même équipe, récemment publiés dans la prestigieu­se revue Nature Communicat­ions, permettent de mieux comprendre les mécanismes en cause et pourraient permettre d’utiliser cette propriété des cellules souches foetales à des fins thérapeuti­ques (1). En isolant spécifique­ment les cellules foetales impliquées dans la cicatrisat­ion, les chercheurs ont découvert que ces cellules possédaien­t la caractéris­tique d’exprimer de fortes quantités d’un récepteur appelé Ccr2 à leur surface. Ils ont aussi observé que l’activation de ce récepteur par une protéine (Ccl2) améliorait grandement la cicatrisat­ion, chez les femelles qui étaient enceintes ou qui avaient donné naissance, indiquant que c’est le recrutemen­t des cellules foetales qui était responsabl­e de ce processus. Selon les auteurs, l’injection de Ccl2 pour mobiliser les cellules foetales pourrait ouvrir la voie à une nouvelle approche pour le traitement des plaies cutanées chroniques, comme celles associées au diabète, par exemple.

La relation mère-enfant n’est donc pas à sens unique comme on le croit souvent. Il s’agit plutôt d’une forme commensali­sme, dans lequel le foetus contribue au réservoir de cellules souches de la mère en échange d’un apport en nourriture. Qui a dit que les enfants étaient égoïstes ?

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