LES HAUTS FONCTIONNAIRES SONT RAREMENT PUNIS
Aucun congédiement n’a été fait en 10 ans parmi les mandarins de l’état québécois
Malgré de nombreuses controverses, l’impunité règne dans la haute fonction publique alors qu’aucun mandarin n’a été congédié en 10 ans au Québec, révèlent des données exclusives obtenues par Le Journal.
Durant cette période, entre 2007 et 2017, uniquement trois titulaires d’emplois supérieurs ont été suspendus, dont une seule sans solde. Les polémiques et scandales n’ont pourtant pas épargné l’administration de l’état (voir encadré). Le gouvernement du Québec emploie 753 hauts fonctionnaires.
Le Conseil exécutif, ministère du premier ministre, a rétorqué « qu’aucune situation n’a justifié le recours à un congédiement » depuis 10 ans.
À titre comparatif, le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), qui représente 40 000 employés de l’état, a contesté depuis 10 ans 2500 suspensions et congédiements, soit près de 250 par année.
Le président du SFPQ, Michel Daigle, parle d’une forme de « protection » pour les titulaires d’emplois supérieurs, qui n’existe pas pour les autres fonctionnaires. « Lorsqu’on fait une série de plaintes pour harcèlement, le gestionnaire est simplement transféré. On le change de chaise », déplore-t-il.
M. Daigle est formel : si les hauts fonctionnaires sont épargnés, ce n’est pas à cause de leur permanence. « On a des employés permanents qui se font congédier, ça arrive », indique-t-il.
Cette situation choque aussi Michel Nadeau, directeur général de l’institut sur la gouvernance, qui estime que la gestion des titulaires d’emploi supérieur au Québec « ne fonctionne tout simplement pas ».
« ÉLAGUER LE BOIS MORT »
« J’espère qu’un jour, un gouvernement aura le courage d’élaguer le bois mort. Les contribuables vont y gagner, et les fonctionnaires aussi, surtout pour le moral des troupes. Si quelqu’un ne fait plus l’affaire ou fait une grosse erreur, il ou elle doit quitter », tonne-t-il.
Au privé, une entreprise comme GE Canada va changer jusqu’à 10 % de ses cadres importants chaque année, « car on ne veut pas garder de bois mort », note M. Nadeau.
C’est sans compter l’absence de réprimandes, qui fait perdre la confiance du public envers le gouvernement. M. Nadeau donne l’exemple récent du cafouillage sur l’autoroute A-13, qui a laissé des centaines de personnes coincées dans leur voiture toute une nuit en raison d’une tempête de neige.
Il évoque aussi la mauvaise gestion du « bordel informatique » qui a coûté des milliards de dollars à l’état. « Il y a-tu quelqu’un qui a perdu son emploi ? Ça prend des sanctions, pas simplement un transfert », a déploré M. Nadeau.
UNE CENTAINE DE « TABLETTÉS »
Cette manie de transférer un employé pour étouffer un scandale a un impact sur la population, qui perd confiance dans le professionnalisme de la fonction publique, avertit M. Nadeau. Il estime qu’au moins une centaine de hauts fonctionnaires sont présentement tablettés.