Le Journal de Quebec

Des grand-mères innues veulent « guérir » leur communauté

Ces victimes d’agressions souhaitent se réconcilie­r avec leurs petits-enfants

- EMY-JANE DÉRY

SEPT-ÎLES | Des grand-mères innues dont la descendanc­e a été marquée par les agressions qu’elles ont subies dans un pensionnat autochtone marcheront dans l’espoir de guérir leurs petits-enfants.

L’histoire de Jeannette Vollant ressemble à celle de bien des familles innues. Déracinée de son village natal de Moisie, près de Sept-îles, elle a été envoyée au pensionnat vers l’âge de 14 ans où on lui a coupé ses longs cheveux puis interdit de parler sa langue. On a caché sa petite valise de vêtements pour lui imposer un uniforme. On l’a violentée et agressée sexuelleme­nt.

« Ça se passait à la cordonneri­e, où il y avait des fournaises. Même dans la classe, ou au dortoir », se souvient avec douleur celle qui aujourd’hui est âgée de 70 ans.

Maintenant arrière-grand-mère, elle a vu les impacts de ses traumatism­es affecter ses enfants et ses petits-enfants.

Plus jeune, elle a sombré dans la mescaline et l’alcool avec son mari. Il y a eu de la violence et les enfants ont été placés dans des familles d’accueil.

« On se sentait coupable de ne pas avoir été capable d’élever nos enfants, de leur inculquer notre spirituali­té, nos coutumes, nos croyances… Parce qu’on ne savait même pas c’était quoi. On nous a appris une autre méthode de penser, de vivre. Nous avions comme deux identités et nous étions mêlés dans tout ça », a illustré Mme Vollant.

MARCHE SYMBOLIQUE

Le chemin de la guérison a été long pour Jeannette Vollant qui s’inquiète aujourd’hui pour les jeunes de sa communauté. Elle ressent de la culpabilit­é lorsqu’elle constate que les conséquenc­es de ses traumatism­es se transmette­nt d’une génération à l’autre.

« Ils consomment beaucoup de petites pilules, de la drogue, de la boisson. Il y a de la violence. Ils s’entretuent à coups de poignard, c’est terrible ça », a-t-elle déploré, alors qu’un jeune de 23 ans est mort poignardé en juin, à Uashat mak Mani-utenam, la réserve où elle vit près de Sept-îles.

Avec trois autres grand-mères de sa communauté, elle organise donc une marche symbolique dont le départ sera donné sur le site de l’ancien pensionnat de la réserve de Mani-utenam et qui se terminera un peu moins d’une dizaine de kilomètres plus loin, à la pointe de Moisie, où les Innus habitaient dans des tentes avant la création des réserves.

Des cérémonies traditionn­elles et un repas communauta­ire auront lieu à l’arrivée.« On va retourner d’où on vient. On a eu mal ici, on va se guérir ici », a dit Mme Vollant.

La « marche des grand-mères », dites « kukuminash » en innu, se tiendra le 22 septembre. Elle vise surtout à rassembler les membres de la communauté pour favoriser le dialogue sur les souffrance­s de chacun et ainsi amorcer la guérison.

 ?? PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, EMY-JANE DÉRY ?? Jeannette Vollant, Fernande St-onge, Yvette Michel et Noëlla Mckenzie, des grandmères innues, sont sur une falaise de la réserve de Mani-utenam. De là, elles marcheront jusqu’au site où leurs ancêtres faisaient du troc avec les Blancs.
PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, EMY-JANE DÉRY Jeannette Vollant, Fernande St-onge, Yvette Michel et Noëlla Mckenzie, des grandmères innues, sont sur une falaise de la réserve de Mani-utenam. De là, elles marcheront jusqu’au site où leurs ancêtres faisaient du troc avec les Blancs.

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