Le Journal de Quebec

Plus grand que nature

Autrefois la chasse gardée des compagnies forestière­s, la région des HautesGorg­es-de-la-rivière-malbaie est devenue l’une des plus belles destinatio­ns de plein air au Québec. Voyage au pays de Menaud maître-draveur.

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Franchi le cap des 1000 mètres d’altitude, des vents à écorner un boeuf nous accueillen­t, signe que nous venons d’entrer dans la toundra. L’ascension du sentier L’acropole-des-draveurs n’est pas de tout repos, mais elle en vaut largement l’effort. Non sans éprouver un certain vertige, nous plongeons le regard dans l’étroite et profonde vallée de la rivière Malbaie. En bas, les arbres paraissent désormais aussi minuscules que les fleurs alpines qui se trouvent à nos pieds.

GÉOGRAPHIE ACCIDENTÉE

Peu d’endroits dans le sud de la province possèdent une géographie aussi accidentée que le parc national des Hautes-gorgesde-la-rivière-malbaie. Avec un dénivelé de plus de 800 mètres, la vallée et ses sommets abritent une végétation qui évolue à vue d’oeil. Le visiteur passe de la forêt feuillue à la toundra alpine en 2 heures de randonnée seulement.

Nous poursuivon­s notre chemin sur les hauts plateaux balayés par les vents. Au milieu de cette étendue rocheuse recouverte de mousse et d’arbres rabougris, l’été, le thermomètr­e se maintient sous la barre des 20 degrés. On se croirait volontiers dans le Grand Nord, impression sans doute renforcée par le fait que des caribous fréquenten­t l’endroit. Au loin, les sommets se font légion et se déclinent dans toutes les nuances de vert.

UNE RÉGION ET SON ROMAN

De retour dans la vallée, nous empruntons un vélo pour explorer la région qui sert de toile de fond à Menaud maître-draveur. Le roman de Félix-antoine Savard, publié en 1937, décrit le quotidien des bûcherons et des draveurs de la rivière Malbaie, dont il a longtemps été l’aumônier. Avec lyrisme, le curé a su dépeindre la vie de campement et les aspiration­s des colons, mais aussi les sublimes paysages de Charlevoix.

« Menaud s’arrêta. Devant lui s’étendait la vallée de la grande rivière. L’ombre y stagnait encore ; par intervalle­s, il en montait comme un beuglement de troupeaux affolés. Mais, au loin, on voyait la Basilique neigeuse, l’éboulée, les Érables, les Farouches… »

LE ROYAUME DES DRAVEURS

Les hautes gorges ont été pendant plus d’un siècle le royaume des draveurs. Chaque printemps, ces dompteurs de rapides marchaient des dizaines de kilomètres en direction de la vallée. Armés de leur seul courage et de leur longue perche, ils avaient la lourde tâche de débloquer les embâcles sur la rivière et d’acheminer le bois de la forestière Donohue jusqu’au moulin de Clermont, parfois au péril de leur vie. Si les dernières scies à chaîne se sont tues au milieu des années 1980, il faudra attendre jusqu’en 2000 pour voir la création du parc national, permettant ainsi aux génération­s futures de s’émerveille­r devant les paysages qui ont inspiré Savard.

Confortés par ces pensées, nous roulons sans empresseme­nt sur le petit sentier qui longe la vallée. La forêt s’ouvre sur des tableaux d’une grande beauté. Traçant son chemin entre les montagnes, la rivière Malbaie révèle ses multiples visages, tantôt docile, tantôt déchaînée. Nous nous arrêtons souvent, le temps de savourer la poésie des lieux et d’observer la descente d’un canot, là où jadis s’élevait la puissante voix des draveurs.

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 ??  ?? Après avoir gravi le sentier L’acropole-des-draveurs, découvrez la beauté poétique de la région, à bicyclette.
Après avoir gravi le sentier L’acropole-des-draveurs, découvrez la beauté poétique de la région, à bicyclette.

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