Faire le saut en politique
Citons le premier ministre Couillard à propos des candidats-acteurs dépités de la comédie dramatique dans la circonscription de Louis-hébert : « Lorsque la vie complète de quelqu’un se trouve être étalée sur la place publique, il n’y a pas de quoi tenter beaucoup de gens de faire de la politique ».
La remarque du premier ministre Couillard est à la fois pertinente et provocante. François Legault, qui a obligé aussi son candidat à se retirer de la course pour cause de harcèlement, ne se sent pas plus à l’aise.
Le recrutement est devenu plus difficile et plus complexe parce que les mentalités ont changé. Le vieux principe de l’étanchéité de la vie privée et de la vie publique a volé en éclat. Comment définir, et dans quelle limite, la vie privée d’une personnalité publique qui s’affiche sur les médias sociaux ? Même le pape François n’y échappe pas. Le futur séminariste avait une amoureuse à vingt ans, qu’il a quittée avec tristesse pour entrer chez les Jésuites. Le chef de l’église n’a pas cherché à cacher cet aspect de sa vie de laïc.
Même le pape François n’y échappe pas
L’OPINION PUBLIQUE
La tolérance est aussi rétrécie face à certains types de comportements. À propos des harcèlements de tout genre, l’opinion publique désormais réagit, juge et condamne au quart de tour, et parfois sans appel. Estce un progrès ou une régression ? Les avis sont partagés. Et comme le harcèlement s’exerce davantage sur les femmes que sur les hommes, ces derniers tendent à apporter des nuances.
Parlons crûment. Combien d’hommes ont tenu des propos grivois, obscènes devant des collègues femmes ? Combien ont posé dans leur vie des gestes déplacés, frôlements, baisers volés, ou carrément pelotages en prétextant un jeu ? Parmi les géné- rations âgées, ils sont fort nombreux, ces hommes. Mais l’expérience nous apprend que les jeunes hommes d’aujourd’hui s’y adonnent aussi.
En ce qui a trait aux politiciens, nombre de ceux qui nous ont gouvernés dans le passé ne passeraient pas le test aujourd’hui. Ils devraient démissionner s’ils exerçaient le pouvoir ou seraient rejetés par leurs partis s’ils souhaitaient être candidats.
UN FREIN
Parmi les citoyens que la politique attire encore, plusieurs se refusent à faire le saut pour protéger leur famille, leurs enfants au premier chef. Même si, au Québec, les médias se révèlent assez discrets et épargnent ces enfants, à moins qu’il s’agisse de comportements criminels de leur part, cet étalement possible de la vie privée est un frein au saut en politique.
Et que dire du déchaînement haineux qui s’abat jour après jour sur nos élus, qui sont attaqués parfois en termes aussi injustes que répugnants ?
Malgré tout, le pouvoir fascine encore les gens. Et ceux qui l’exercent avec lucidité comprennent rapidement ses limites, mais souvent ils y ont déjà pris goût.
Il faut regretter que les meilleurs d’entre nous hésitent à se dévouer pour servir le peuple. Mais comment peut-on revaloriser les politiciens sans réhabiliter la politique ellemême?