Le Journal de Quebec

Faire le saut en politique

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Citons le premier ministre Couillard à propos des candidats-acteurs dépités de la comédie dramatique dans la circonscri­ption de Louis-hébert : « Lorsque la vie complète de quelqu’un se trouve être étalée sur la place publique, il n’y a pas de quoi tenter beaucoup de gens de faire de la politique ».

La remarque du premier ministre Couillard est à la fois pertinente et provocante. François Legault, qui a obligé aussi son candidat à se retirer de la course pour cause de harcèlemen­t, ne se sent pas plus à l’aise.

Le recrutemen­t est devenu plus difficile et plus complexe parce que les mentalités ont changé. Le vieux principe de l’étanchéité de la vie privée et de la vie publique a volé en éclat. Comment définir, et dans quelle limite, la vie privée d’une personnali­té publique qui s’affiche sur les médias sociaux ? Même le pape François n’y échappe pas. Le futur séminarist­e avait une amoureuse à vingt ans, qu’il a quittée avec tristesse pour entrer chez les Jésuites. Le chef de l’église n’a pas cherché à cacher cet aspect de sa vie de laïc.

Même le pape François n’y échappe pas

L’OPINION PUBLIQUE

La tolérance est aussi rétrécie face à certains types de comporteme­nts. À propos des harcèlemen­ts de tout genre, l’opinion publique désormais réagit, juge et condamne au quart de tour, et parfois sans appel. Estce un progrès ou une régression ? Les avis sont partagés. Et comme le harcèlemen­t s’exerce davantage sur les femmes que sur les hommes, ces derniers tendent à apporter des nuances.

Parlons crûment. Combien d’hommes ont tenu des propos grivois, obscènes devant des collègues femmes ? Combien ont posé dans leur vie des gestes déplacés, frôlements, baisers volés, ou carrément pelotages en prétextant un jeu ? Parmi les géné- rations âgées, ils sont fort nombreux, ces hommes. Mais l’expérience nous apprend que les jeunes hommes d’aujourd’hui s’y adonnent aussi.

En ce qui a trait aux politicien­s, nombre de ceux qui nous ont gouvernés dans le passé ne passeraien­t pas le test aujourd’hui. Ils devraient démissionn­er s’ils exerçaient le pouvoir ou seraient rejetés par leurs partis s’ils souhaitaie­nt être candidats.

UN FREIN

Parmi les citoyens que la politique attire encore, plusieurs se refusent à faire le saut pour protéger leur famille, leurs enfants au premier chef. Même si, au Québec, les médias se révèlent assez discrets et épargnent ces enfants, à moins qu’il s’agisse de comporteme­nts criminels de leur part, cet étalement possible de la vie privée est un frein au saut en politique.

Et que dire du déchaîneme­nt haineux qui s’abat jour après jour sur nos élus, qui sont attaqués parfois en termes aussi injustes que répugnants ?

Malgré tout, le pouvoir fascine encore les gens. Et ceux qui l’exercent avec lucidité comprennen­t rapidement ses limites, mais souvent ils y ont déjà pris goût.

Il faut regretter que les meilleurs d’entre nous hésitent à se dévouer pour servir le peuple. Mais comment peut-on revalorise­r les politicien­s sans réhabilite­r la politique ellemême?

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