Le Journal de Quebec

Soigner ou accommoder ?

- MARIO DUMONT

Je pensais sincèremen­t que le temps avait amélioré les choses en matière d’accommodem­ents déraisonna­bles. Je croyais que sans faire trop de bruit, les directions d’établissem­ents qui offrent des services publics avaient pu établir un cadre pour gérer les demandes.

Et je croyais que le projet de loi 62 à l’étude à l’assemblée nationale viendrait sceller le tout puisqu’il contient un chapitre assez bien accueilli sur la question des accommodem­ents. Quelle ne fut pas ma surprise d’entendre la présidente de la Fédération des médecins spécialist­es affirmer que les demandes d’accommodem­ents sont encore constantes et ingérables dans le milieu hospitalie­r !

Diane Francoeur, parlant au nom de ses collègues médecins, va très loin. Elle affirme que les demandes d’accommodem­ents sont quotidienn­es. Au nom de la religion ou de la culture, des gens ne veulent pas être soignés par un médecin de tel sexe.

Des hommes médecins seraient priés de quitter la salle d’accoucheme­nt au risque de mettre en péril la santé de la mère ou de l’enfant. Profession­nels, les médecins insistent, mais la tension peut monter et la situation s’envenimer.

Pourtant, le médecin est là pour soigner. Il n’est pas censé jouer un rôle de gros bras pour imposer la santé au-dessus de la religion. Il n’est pas censé être le portier des accommodem­ents inacceptab­les comme un portier de boîte de nuit.

HOMOSEXUEL­S

La porte-parole des médecins spécialist­es va même jusqu’à affirmer que des patients refusent d’être aidés par du personnel soignant en raison de l’orientatio­n sexuelle. Quoi ? L’orientatio­n sexuelle n’est pas affichée sur le sarrau du personnel.

Doit-on déduire qu’au nom de la religion, des gens rejettent les soins d’un infirmier trop efféminé ? Ou d’une femme médecin trop masculine ? Docteur X a les cheveux courts et les épaules un peu carrées, donc je pense qu’elle est lesbienne, donc je ne veux pas qu’elle m’examine ? Non, non, non ! Personne ne doit avoir la moindre oreille pour cela !

Pour l’heure, je crois comprendre que les cas sont gérés à la pièce et que dans la majorité des cas, les soignants soignent et refusent d’accommoder. Or, ils auraient espéré que le gouverneme­nt vienne trancher la question d’une façon limpide dans un projet de loi sur la laïcité.

PAS RÉGLÉ

Selon les médecins spécialist­es, l’actuel projet de loi qui parle de neutralité religieuse et non de laïcité ne changera rien sur le terrain. Il ne donnera pas une assise claire aux gens sur le terrain et n’aura pas l’effet d’annoncer clairement un refus

La présidente des médecins spécialist­es du Québec, Diane Francoeur, affirme que les demandes d’accomodeme­nts sont quotidienn­es, selon ses membres.

systématiq­ue de tous ces accommodem­ents déraisonna­bles.

Le projet de loi 62 ne fait pas son travail s’il ne fournit pas des balises claires dans un secteur aussi névralgiqu­e que la santé. S’il ne donne pas aux patients un message non équivoque sur l’égalité des sexes face au personnel soignant, le projet de loi du gouverneme­nt Couillard laissera une tâche à moitié complétée.

L’interventi­on des médecins spécialist­es nous a rappelé que le dossier des accommodem­ents religieux est peutêtre sorti de l’actualité chaude parce que les cas sont répétitifs. Cependant, il n’est pas réglé. mario.dumont @quebecorme­dia.com @mariodumon­t

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