Le Journal de Quebec

Les chiffons identitair­es et linguistiq­ues

- FATIMA HOUDA-PEPIN

C’est ainsi que s’est exprimé le premier ministre, Philippe Couillard, dans une réplique au chef de l’opposition officielle, Jean-françois Lisée, le 14 juin dernier, quand il a déclaré en période de questions à l’assemblée nationale : « Je comprends cette attitude du Parti québécois : quand ça va mal de leur côté, on agite soit le chiffon identitair­e, soit le chiffon linguistiq­ue. »

Il aurait pu avoir un minimum de respect pour cette langue française que le Parti libéral qu’il dirige, aujourd’hui, avait jadis érigée en langue officielle du Québec. Même pas !

UN ALIBI POUR MASQUER LA VRAIE MENACE

Oui, il faut se préoccuper du français et en faire une priorité du gouverne- ment du Québec quel que soit le parti au pouvoir.

C’est ce que feront les militants au 17e congrès du PQ, cette fin de semaine. Encore faut-il avoir le courage de regarder la réalité en face.

Certes, plus de la moitié des nouvelles inscriptio­ns dans les cégeps anglophone­s, entre 2011 et 2015 (30 000 sur 53 865), venait des francophon­es ou des « allophones ».

Mais que s’est-il donc passé pour que le PQ de René Lévesque qui avait imposé, en 1977, la loi 101 pour franciser les immigrants, soit rendu, 40 ans plus tard, à vouloir dé-angliciser les Québécois francophon­es en les privant d’étudier dans les collèges en anglais ?

Pourquoi les Québécois francophon­es désertent-ils les cégeps francophon­es et leur préfèrent-ils les cégeps anglophone­s ? Est-ce que l’enseigneme­nt collégial en anglais est une réelle menace au français au Québec ?

Faut-il s’inquiéter seulement du déclin quantitati­f du français ? Qu’en est-il du déclin qualitatif ? Pourquoi focalise-t-on surtout sur les anglophone­s et les « allophones » et ne parle-t-on jamais de la menace intérieure qui vient des francophon­es eux-mêmes ?

ARRÊTEZ DE BLÂMER LES IMMIGRANTS

Savez-vous que lors des galas des finissants de 5e secondaire dans plusieurs écoles de Montréal, la plupart des Prix d’excellence en français sont raflés par des étudiants d’origine asiatique, caribéenne, maghrébine ou moyen-orientale ? On est loin des italophone­s de Saint-léonard qui méprisaien­t le français dans les années 1960.

La vraie menace qui pèse sur le français est celle qui vient du système scolaire francophon­e qui génère un nombre impression­nant d’analphabèt­es fonctionne­ls et de décrocheur­s scolaires, handicapés dans leur propre langue maternelle.

Celle qui vient du milieu du travail où une élite de francophon­es affairiste­s a perdu ses repères identitair­es et n’hésite pas à tordre le cou au français en privilégia­nt l’anglais comme langue de communicat­ion et de travail.

Celle qui vient de ces génération­s de francophon­es insouciant­s qui ont perdu le sens de la fierté et qui baragouine­nt le français sans gêne, tout en peinant à l’écrire.

Celle qui vient de ces parents francophon­es pour qui le français est le dernier de leurs soucis et qui n’osent même plus demander à leurs enfants-rois de faire le moindre effort pour l’apprendre.

Voulez-vous plancher sur des solutions tangibles pour renforcer le français et en faire une langue qui rayonne par et pour tous les Québécois ? Commencez donc par faire un bon diagnostic de la situation. fatima.houda-pepin @quebecorme­dia.com

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Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère
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Le premier ministre Philippe Couillard aurait pu avoir un minimum de respect pour la langue française que le PLQ avait jadis érigée en langue officielle du Québec.

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