Le Journal de Quebec

Je suis partie en vitesse

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WEST SMYRNA BEACH | Je n’ai pas dormi de la nuit. Plus le temps avance, plus le stress m’envahit.

Le maire de Miami a qualifié l’ouragan Irma de tempête « nucléaire ». Une tempête nucléaire, ça veut dire quoi ? J’ai peur…

Avec des mots comme « Catastroph­ic Storm », « Monster of a storm », « As big as it’s gets », avec toute l’incertitud­e qui règne autour d’irma, j’ai l’impression de vivre une fin du monde.

J’ai quitté ma résidence de West Palm Beach mercredi. Quand j’ai laissé ma petite oasis de paix, mon propriétai­re Stefan m’a dit : « Tu sais Marie, je ne sais pas si tu auras un chez-toi à ton retour. J’ai bien peur que le toit ne résiste pas aux griffes de l’ouragan Irma. »

Non Irma ! C’est mon refuge, ma cachette, mon paradis en Floride.

Je suis partie en vitesse. J’y ai laissé plusieurs effets personnels : une caméra, un ipad, des boîtes de dossiers pour la deuxième édition de mon livre sur la Floride… mes vêtements, presque tout ce que je possède ici.

Stefan, mon charmant propriétai­re, ce Québécois qui habite depuis 25 ans en Floride et qui a vécu d’autres ouragans, m’a dit de m’assurer que mon réservoir d’essence soit toujours plein, car l’essence deviendra bien vite une denrée rare.

SOLIDARITÉ ?

Dans mon quartier, déjà plusieurs stations-service étaient fermées… Des banderoles jaunes de sécurité partout, vous savez, comme celles que l’on voit lors des scènes de crime : interdicti­on formelle d’entrer.

J’ai finalement trouvé, mais j’ai dû attendre deux heures pour ravitaille­r ma voiture. Les gens étaient stressés, agressifs, impatients… C’était chacun pour soi.

Les humains sont parfois solidaires en situation de crise, mais c’est parfois aussi le contraire. Des policiers étaient même sur place pour calmer les ardeurs.

Pas moyen non plus de trouver de l’eau embouteill­ée… Les gens attendaien­t depuis des heures pour acheter de l’eau au Walmart. Pas plus de chance au supermarch­é ou à la pharmacie. J’ai finalement acheté du jus de pomme.

L’embouteill­age sur l’autoroute en direction d’orlando, situé à 380 km de Miami : un enfer. Avec des voitures remplies à ras bord de jouets, d’animaux, d’enfants. Tout le monde avançait sur la 95 à pas de tortue, en sachant très bien qu’il sera probableme­nt impossible sinon très difficile de trouver de l’essence.

Des gens m’ont suggéré de rouler avec un bidon d’essence à bord. D’autres m’ont dit que c’était dangereux de le faire. J’ai hésité, pour finalement décider de filer sans.

AVERTISSEM­ENTS SÉRIEUX

Les Floridiens ont pris au sérieux les directives du gouverneur Scott : quitter la Floride au plus vite !

J’ai mis sept heures avant d’atteindre la ville d’orlando, là où, j’espère, je me sentirai un peu mieux. Mais, même quelques heures avant qu’irma frappe la côte, rien n’est sûr sur sa trajectoir­e exacte. Est-ce que je vais au nord, à l’ouest, en Caroline du Nord, en Virginie, ou encore en Alabama ? Si je pars vers le nord, je risque de manquer d’essence. Et que dire des chambres d’hôtel ! Tout est réservé.

À vrai dire, je ne sais plus où me diriger pour assurer ma sécurité. L’incertitud­e m’angoisse, mais j’ai choisi Orlando.

D’autant plus que Karine Pigeon, une gentille Québécoise qui me suit sur ma page Facebook, Sur les routes de la Floride avec Marie, m’a gentiment invitée à venir vivre la tempête avec elle et sa famille. Elle m’a dit : « Viens, tu ne peux pas vivre cet ouragan seule ! Mon fils David, 5 ans, a hâte de te rencontrer et il va te prêter sa chambre. » J’ai beau avoir l’esprit aventurier, je n’ai pas envie de traverser l’ouragan Irma toute seule.

Bien des gens me demandent pourquoi je ne suis pas rentrée au Canada. Parce que ma vie est ici, pour l’instant, et que je me sens profondéme­nt floridienn­e. J’ai la Floride tatouée sur le coeur.

J’ignore ce qu’il adviendra de ma Floride. Que nous réserve Irma ?

Je n’en sais rien, mais j’ai décidé de rester parce que j’aime la Floride, j’aime profondéme­nt les Floridiens, et que ma place est ici, malgré les menaces de ce redoutable ouragan.

Je ne sais pas où me diriger pour assurer ma sécurité.

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