Le Journal de Quebec

Rachid Badouri me fait rire jaune

-

Parfois, les humoristes me font rire parce qu’ils sont drôles. Et d’autres fois, ils me font rire jaune quand ils se mettent le pied dans la bouche.

Rachid Badouri s’est fait critiquer pour avoir fait des blagues sur un politicien lors de son dernier passage en Haïti. Mais moi, c’est sa blague sur les « tapettes » qui m’a fait rire jaune.

UNE HOMOPHOBIE D’ÉTAT

Rachid Badouri était à Port-au-prince pour le Lol Fest Haïti la semaine dernière. J’ai visionné un extrait de son spectacle. « Il devrait y avoir des noms d’ouragan qui font peur. Irma… ça ne me fait pas peur du tout ! Irma, Katia, Jose. Jose ça fait un peu masisi (NDLR tapette ou pédé). Je suis l’ouragan Jose… on va vous attaquer ». En disant ça, Badouri faisait des gestes caricatura­ux, les baguettes en l’air, tout déhanché, comme s’il était Christian Lalancette dans Chez Denise.

Première question : Badouri aurait-il fait une blague de « tapette » s’il avait été sur scène à Montréal ? Se serait-il moqué ainsi des gais, comme si homosexual­ité était forcément synonyme de faiblesse, de mollesse et de manque de puissance ?

Deuxième question : comment pouvait-il ignorer que, le mardi 1er août, le sénat haïtien avait « rendu le mariage de deux personnes de même sexe passible de prison » et « interdit toute promotion de l’homosexual­ité » ?

C’est ce que le magazine français Marianne appelle « une homophobie d’état ».

Me semble que, quand tu mets les pieds dans un pays qui criminalis­e l’homosexual­ité, tu ris des homophobes avant de rire des gais, non ?

Rachid Badouri aurait pu choisir de rire du sénateur Carl Murat Cantave, qui a carrément fait un lien entre l’homosexual­ité et les catastroph­es naturelles qui frappent Haïti. (Ça, c’est drôle !)

Et Cantave a déclaré à la télé : « Il faut empêcher la dépravatio­n de la jeunesse. Il faut empêcher l’abominatio­n dans ce pays ».

Badouri ignorait-il que c’est précisémen­t à cause de cette « homophobie d’état » que certains demandeurs d’asile haïtiens ont frappé à nos portes tout l’été, car ils seront persécutés en raison de leur orientatio­n sexuelle s’ils retournent chez eux ?

HAÏTI CHÉRIE

Après son spectacle dans un chic quartier, Rachid Badouri a eu droit à une critique virulente d’un commentate­ur, Jean Saint-vil, qui a écrit un blogue intitulé : « Et si Rachid Badouri se rendait enfin en Haïti ».

« Il ne faut point se méprendre : ceux qui ont payé 60 $ US pour aller voir Badouri à Pétion-ville sont citoyens d’un faux pays, habitant un monde surréel. Tout de blanc vêtus, ces gens-là savent trinquer du champagne, briser leurs verres et valser au milieu de 10 millions d’âmes affamées. » Ouch !

Puis Saint-vil s’adressait directemen­t à Badouri : « Tu t’étais donné en spectacle dans une sorte de Rhodésie tropicale, imaginée par certains nostalgiqu­es du “temps béni des colonies”. Alors, je t’invite à visiter Haïti, la vraie, pour une première fois ».

En se promenant à Haïti, Badouri aurait peut-être rencontré Charlot Jeudy, qui préside l’associatio­n LGBT Kouraj. Selon lui, le vote des sénateurs est « un attentat contre la communauté LGBT ».

Et ça, ça n’a rien de drôle.

Newspapers in French

Newspapers from Canada