Une pénurie de main-d’oeuvre qui fait mal aux entreprises
De plus en plus d’entreprises québécoises confrontées au manque de professionnels
Des 50 emplois spécialisés que Martin Dufour cherche à pourvoir à l’usine Merkur de Drummondville, à peine 40 % devraient trouver preneur. Le fournisseur de Bombardier et de nombreuses autres entreprises ne parvient pas à trouver les professionnels dont il a besoin, un problème de plus en plus commun dans l’industrie manufacturière.
L’industrie manufacturière québécoise a bien changé, mais elle accuse aujourd’hui d’importants retards, tant sur le plan de la formation de la main-d’oeuvre que de l’automatisation, quand on la compare à d’autres pays. C’est le constat qui ressort d’une tournée manufacturière tenue par Investissement Québec dans la dernière année.
« Il y a 15 ans, le manufacturier représentait 20 % du PIB total du Québec. Aujourd’hui, on est à 14 % », expose le président et chef de la direction d’investissement Québec, Pierre Gabriel Côté.
« Le monde a évolué. Le secteur doit se repenser », a-t-il fait valoir lors d’une intervention devant le Conseil du patronat, hier à Montréal.
PÉNURIE
Martin Dufour, PDG de Merkur, est bien d’accord, mais la main-d’oeuvre nécessaire n’est tout simplement pas disponible à l’heure actuelle au Québec, fait-il valoir. Le vieillissement de la population, le bassin restreint de travailleurs, le manque de formation et les complications liées à l’immigration sont les principaux coupables, selon lui.
« Quand on regarde en France, on se rend compte qu’ils ont plein de travailleurs qui détiennent exactement l’expérience nécessaire pour faire ce travail. Ils arrivent chez nous et sont comme des poissons dans l’eau. Le problème, c’est qu’il est difficile de les faire venir, ça prend beaucoup de temps », dit-il.
M. Côté reconnaît que davantage doit être fait à cet égard, et rappelle que le Québec peut enfin bénéficier d’un programme fédéral accélérant le traitement des demandes de visas de travailleurs étrangers dont l’ex- périence est recherchée ici.
RETARD
L’autre défi de taille de l’industrie manufacturière, c’est celui de l’automatisation.
Tandis qu’en Allemagne, 75 % des entreprises du secteur sont automatisées à plus de 50 % et qu’une entreprise manufacturière américaine sur deux l’est également, celles du Québec arrivent loin derrière.
« Les entrepreneurs nous disent que le manque de main-d’oeuvre les amène à rejeter des commandes ! Il faut automatiser et chercher la main-d’oeuvre pour que l’automatisation commence », dit M. Côté.
Comment expliquer ce retard ? Favorisé par le taux de change avec les États-unis, le Québec s’est « engourdi », répond M. Côté.
« Quand les taux de change sont favorables, on reçoit 20 % [de revenus supplémentaires]. Ç’a engourdi les grands manufacturiers, les industriels, face au besoin d’automatiser et de baisser leurs coûts. »
Il est urgent d’agir, insiste-t-il. « Il y a une rupture à faire, on n’a pas le choix. Tout le monde doit le comprendre. »