Le Journal de Quebec

Le téléphone qui rend imbécile

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com @mbockcote

On a beaucoup parlé, la semaine dernière, du iphone X, le nouveau téléphone intelligen­t d’apple, qui se vendra plus de 1000 $ et qui intégrera un système de reconnaiss­ance faciale.

Il faut dire qu’on parle toujours du « nouveau iphone », dès qu’il est annoncé. C’est presque un rituel qu’apple nous impose, à la manière d’une nouvelle église, qui sait garder et exciter ses fidèles.

En temps et lieu, ils se rueront sur l’objet de leur désir comme si leur vie en dépendait. Et le système médiatique se soumet plus que docilement à tout cela.

IPHONE

Il y a comme un suspense Apple. De quelle manière la compagnie nous surprendra-t-elle ? Quelle sera la dernière innovation qui bouleverse­ra nos vies ?

Certains justifiero­nt cette mise en scène à cause de la place que le téléphone intelligen­t prend dans nos vies. Il est vrai que nos contempora­ins passent désormais une partie importante de leur vie à n’en jamais détourner le regard, comme s’ils étaient hypnotisés par lui.

Dans la rue, ils regardent leur écran. Au restaurant, ils regardent leur écran. Au souper, à la maison et en famille, ils regardent leur écran. Même lors- qu’ils vont au musée, ils ne regardent plus les oeuvres directemen­t, ils les prennent en photo avec leur téléphone, comme si leurs yeux ne pouvaient plus se passer du filtre de l’écran.

C’est à travers l’écran qu’ils abordent le monde et c’est vers lui qu’ils se réfugient systématiq­uement, dès qu’ils ont le moindre malaise.

On peut croire qu’au fond de lui-même, le commun des mortels sent que ce monde est absurde. Qu’à se rendre absolument dépendant de son téléphone intelligen­t, on se soumet à un esclavage imbécile.

De temps en temps, il se révolte, il n’en peut plus… et le ferme pour une heure. C’est presque une victoire. Il se délivre. Mieux, il se libère. C’est un peu comme s’il voulait s’arracher à une domination, mais très vite, il retourne vers son maître.

À la campagne, dans la forêt, s’il constate qu’il n’a pas de réseau, il paniquera. Il se sent coupé du monde parce qu’on lui a fait croire qu’il avait accès à presque la totalité de l’univers avec sa machine.

Personne ne s’imagine un instant que nous pourrions revenir dans le monde d’avant. Qui le souhaitera­it vraiment, d’ailleurs ?

Mais le vieux dilemme revient : ou nous dominons la technologi­e, ou elle nous domine.

RÉSISTER

Évidemment, ce n’est pas aussi simple. Mais il faut quand même se demander si, comme civilisati­on, nous entendons résister à ce nouveau conditionn­ement qui place Apple et compa- gnie à la tête de notre gouverneme­nt mental.

Théoriquem­ent, l’école devrait résister à cette manie et apprendre aux jeunes génération­s l’existence d’un monde délivré de l’écran. Elle devrait cultiver l’amour immodéré du livre.

Hélas, plusieurs pédagogues rêvent plutôt de la rallier à cet univers, en intégrant tous les écrans possibles dans leurs classes. Comme s’ils voulaient accélérer le désastre.

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Comme civilisati­on, entendons-nous résister à ce nouveau conditionn­ement qui place Apple et compagnie à la tête de notre gouverneme­nt mental?

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