Le système québécois dépassé
Juges, avocats et agents correctionnels militent pour une informatisation de la Justice
« L’archaïque » système judiciaire doit être modernisé de toute urgence, plaident les juges, avocats et agents correctionnels, qui se retrouvent sans plan gouvernemental pour y parvenir.
Plus de cinq ans après avoir dépensé 76 M$ dans un projet d’informatisation du système judiciaire qui n’a jamais vu le jour, le gouvernement Couillard tarde à jeter les bases d’une solution de rechange.
Prévu pour 2007, le Système intégré d’information de la justice (SIIJ) promettait d’améliorer la circulation et l’échange de documents au sein de l’administration de la justice. Le projet a été repoussé, puis abandonné en 2012. Et depuis, c’est le néant (voir autre texte).
Résultat : encore en 2017 les greffiers ne travaillent pas systématiquement avec des ordinateurs, le suivi des étapes judiciaires est fait à la main et les documents judiciaires sont imprimés en de multiples copies.
« PAS DE BON SENS »
« Ça n’a pas de bon sens, lance, un peu découragé, le juge en chef associé à la Cour supérieure, Robert Pidgeon. Il faut bouger. » Même son de cloche du côté de la juge en chef à la Cour du Québec, Lucie Rondeau, qui déplore qu’« il n’y ait pas eu grand-chose de fait depuis l’abandon de SIIJ, en termes de résultats concrets. »
Le bâtonnier du Québec ne mâche pas ses mots pour qualifier l’informatisation de la justice. « C’est inexistant », dénonce Me Paul-matthieu Grondin, à la tête du Barreau. « Tous les outils d’information pourraient nous aider. On part d’absolument rien en ce moment. Nos palais de justice sont des hangars à papier », soutient-il.
Du côté des Services correctionnels, les projets d’informatisation, qui devaient assurer un meilleur suivi des détenus en plus d’éviter des libérations par erreur, sont au beau fixe.
« On est toujours à l’âge de pierre, se désole Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec. On peut avoir une personne incarcérée qui arrive de la région de Montréal, qui s’en va dans l’est du Québec pour un transfert. Le dossier va arriver une semaine après. Ça devient problématique. »
PAS DE « BULLDOZER »
S’il est bien conscient des lacunes du réseau, le juge Pidgeon milite toutefois pour une amélioration par étapes, principalement afin d’éviter le fiasco du SIIJ. « Si on bulldoze, on ne réussira pas », illustre-t-il. La Cour du Québec est aussi réfractaire aux projets à l’ampleur démesurée. « Quand on vise trop large, c’est plus difficile à implanter », résume la juge Rondeau.
Malgré les critiques, tous s’entendent cependant pour souligner la bonne foi du ministère de la Justice, qui mettrait de véritables efforts pour trouver des solutions. « En ce moment, on n’a rien, mais ce n’est pas vrai qu’il ne se passe rien », résume Me Grondin.