La ministre du Revenu persiste et signe
Elle ne voit pas l’utilité de rencontrer le lanceur d’alerte
OTTAWA | Malgré l’insistance de l’opposition, la ministre du Revenu national Diane Lebouthillier n’a toujours aucune intention de rencontrer un lanceur d’alerte susceptible d’aider le Canada à récupérer des milliards en impôt impayé.
« La ministre peut-elle expliquer pourquoi elle refuse toujours d’entendre les informations du lanceur d’alerte qui a pourtant permis aux Américains de récolter des centaines de millions de dollars ? » a lancé à la période de questions le député néo-démocrate Pierre-Luc Dusseault.
« Si des individus, où qu’ils soient dans le monde, ont des informations à donner, nous avons un programme de dénonciateurs », a répondu Diane Lebouthillier.
C’était la deuxième fois en autant de jours que Mme Lebouthillier écartait la possibilité de rencontrer en personne Brad Birkenfeld, un ancien banquier américain qui a retourné sa veste pour faire éclater au grand jour un scandale de paradis fiscaux.
Selon lui, des milliers de Canadiens auraient caché en Suisse quelque 7 milliards $. Or, en près de 10 ans, l’agence du revenu du Canada a récupéré un maigre 270 millions et identifié quelque 500 fraudeurs canadiens potentiels.
En comparaison, le gouvernement américain a récupéré quelque 5 milliards $, en plus d’imposer une amende de 780 mil- lions à la banque suisse UBS, au coeur de l’affaire.
« Tous se souviennent de la fraude orchestrée par la banque UBS en Suisse pour éviter à des gens fortunés, dont des Canadiens, de payer leurs impôts au Canada », a souligné M. Dusseault lors de son intervention à la Chambre des communes.
« Qu’on le croie ou non, 10 ans plus tard, la ministre du Revenu national refuse toujours de rencontrer un des principaux lanceurs d’alerte dans cette affaire. C’est complètement absurde », a-t-il tonné.
DES RÉSULTATS
Le gouvernement Trudeau se défend de ne pas en faire assez pour contrer l’évasion fiscale. « Notre plan produit des résultats », a assuré Mme Lebouthillier.
Pour preuve, 335 enquêtes criminelles ont été lancées et quelque 54 millions en amendes ou pénalités ont été imposés par Ottawa, a-t-elle énuméré.
Pour la chef du Bloc québécois, Martine Ouellet, le gouvernement Trudeau rate une « occasion en or » de faire avancer des dossiers de fraude fiscale en refusant d’entendre le lanceur d’alerte.
« C’est quelqu’un qui a de l’information, qui sait de quoi il parle, qui était au coeur du scandale, qui est prêt à révéler des noms et des stratagèmes, et les libéraux lui disent: “non, ça ne nous intéresse pas” », s’étonne Mme Ouellet.
Le Parti conservateur, qui était au pouvoir lorsque le scandale a éclaté en 2008, n’a pas souhaité commenter l’affaire cette semaine.