Le Journal de Quebec

Un cadeau d’ottawa aux Américains

Un accord mal accueilli par Québec et l’industrie

- GUILLAUME ST-PIERRE ET PATRICK BELLEROSE

Sitôt dévoilée, l’entente conclue entre le gouverneme­nt Trudeau et le géant américain Netflix a été taillée en pièces, tant par Québec que par le milieu des affaires et l’industrie.

Le ministre de la Culture, Luc Fortin, s’est dit « en colère » hier, peu après l’annonce de l’entente par la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly.

L’accord prévoit que Netflix devra investir 500 millions $ sur cinq ans en production originale au pays. Elle constitue la pièce maîtresse de la nouvelle politique culturelle d’ottawa annoncée hier.

Toutefois, l’accord avec le géant du divertisse­ment américain ne prévoit aucun contenu minimal francophon­e. Tout au plus, Netflix devra débourser 25 M$ pour explorer la possibilit­é de produire du contenu en français.

« Comment on peut abdiquer sur cette question-là, lorsqu’on sait toute la précarité de notre identité dans cet univers numérique ? s’est indigné M. Fortin. Le gouverneme­nt fédéral doit refaire ses devoirs et exiger une portion de contenu original francophon­e dans les 500 M$ qui seront investis par Netflix. »

INIQUITÉ FISCALE

La ministre Joly s’est dite « profondéme­nt convaincue que Netflix va distribuer de l’excellent contenu francophon­e », sans pouvoir le garantir.

M. Fortin a aussi dénoncé le fait que Netflix n’aura pas à facturer les taxes aux consommate­urs d’ici. L’entreprise n’aura pas non plus à cotiser au Fonds des médias du Canada, comme c’est le cas pour les câblodistr­ibuteurs d’ici.

« Ça vient cautionner une iniquité fiscale, dit-il. Il y a un traitement qui est différent pour une entreprise étrangère que pour les entreprise­s canadienne­s. »

Même son de cloche au Conseil du patronat du Québec, qui dénonce un « traitement deux poids deux mesures, en plus de créer un précédent risqué ». La Fédération des chambres de commerce du Québec est du même avis.

Comme il l’avait déjà indiqué, le ministre Fortin se dit prêt à taxer lui-même Netflix.

L’annonce que le géant américain ne sera pas taxé survient à peine 42 heures après celle des États-unis qui ont imposé des droits de 220 % sur les appareils C Series de Bombardier.

ARTISANS PERDANTS

Le président et chef de la direction de Québecor et propriétai­re du Journal, Pierre Karl Péladeau, dénonce que l’entente va affaiblir les diffuseurs privés locaux au profit des géants américains et du diffuseur public.

De plus, « à partir du moment où il n’y a pas de garantie pour la production de langue française, il n’y a aucune garantie que les artistes et les artisans du Québec vont pouvoir travailler sur ces production­s-là », ajoute la directrice de l’associatio­n québécoise de la production médiatique, Hélène Messier.

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PHOTO SIMON CLARK Le ministre de la Culture et des Communicat­ions, Luc Fortin, en avait long à dire hier sur l’accord d’ottawa avec Netflix. Il s’est dit « en colère » après l’annonce de l’entente.

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