Le Journal de Quebec

Vivre et laisser vivre

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Après mûre réflexion, Joel Ward a fait savoir hier qu’il ne s’agenouille­ra pas durant l’interpréta­tion de l’hymne national américain. L’attaquant des Sharks de San Jose explique éloquemmen­t sa décision dans un long message sur son compte Twitter.

Ward ne condamne aucunement le mouvement amorcé l’an dernier par l’ancien quart des 49ers de San Francisco Colin Kaepernick, qui voulait dénoncer par son geste la brutalité policière à l’endroit de ses compatriot­es afroaméric­ains. Il dit porter, au contraire, un immense respect aux athlètes qui veulent monopolise­r l’attention de la population sur les problèmes raciaux qui minent la société américaine.

Il estime, par contre, que l’attention médiatique diminue la portée du message.

L’EXEMPLE DE MARLON BRANDO

Certes, il est bien que des gens en vue se lèvent pour dénoncer les inégalités qui polluent notre univers. Les athlètes ne sont pas les seuls à le faire. Les artistes le font aussi. Chacun est libre de ses actes et de ses opinions.

Lors de la remise des Oscars en 1973, le grand Marlon Brando avait refusé la statuette qui devait lui être attribuée pour le titre de meilleur acteur dans son rôle du Parrain. Il avait délégué à sa place une jeune Autochtone pour dénoncer le manque de visibilité des artistes d’origine amérindien­ne dans l’industrie du cinéma.

Là où les choses se compliquen­t dans ce genre d’histoire, c’est lorsque des personnes y vont de jugements téméraires basés sur leurs conviction­s envers des gens qui ne mêlent pas politique et sport.

C’est le cas d’eli Jones, une poète de Nouvelle-écosse qui reproche à son concitoyen Sidney Crosby d’avoir accepté l’invitation de Donald Trump de se rendre à la Maison-blanche avec ses coéquipier­s des Penguins de Pittsburgh, dans une visite visant à souligner leur conquête de la coupe Stanley en juin dernier.

Pour elle, il s’agit d’un acte de lâcheté morale de la part de Crosby.

Le maire de Pittsburgh, Bill Peduto, s’est pour sa part désisté, lui qui avait pris part à l’événement l’an dernier alors que Barack Obama en était à sa dernière année à la présidence.

Personnell­ement, je m’abstiendra­is d’aller rencontrer Trump, qui ne fait rien à part diviser son pays depuis son élection. Mais qui suis-je pour condamner Crosby ?

Si on pense qu’il est pro Trump, tous les membres de l’organisati­on des Penguins le sont alors, incluant Mario Lemieux et Kristopher Letang.

Il faut faire la part des choses.

UN PROBLÈME PERSISTANT

Canadien natif de Toronto, tout comme P.K. Subban, Ward ne joue pas à l’autruche. Il dit clairement être victime de racisme tant dans le monde du hockey que dans la vie quotidienn­e.

Pour ceux qui l’auraient oublié, des tonnes de messages haineux lui avaient été adressées dans les réseaux sociaux après qu’il eut permis aux Capitals de Washington de détrôner les Bruins de Boston, champions en titre de la Coupe Stanley, lors de la première ronde des séries en 2012.

Subban avait subi le même traitement lorsque le Canadien défit ces mêmes Bruins au deuxième tour des séries, en 2014.

Ville majoritair­ement blanche, Boston vit encore des relents de son passé raciste. Les Red Sox furent la dernière équipe du baseball majeur en 1959, soit 12 ans après les débuts de Jackie Robinson avec les Dodgers de Brooklyn, à ouvrir ses portes à un joueur noir.

RECUL AUX ANNÉES 1960

Dans les années 2000, les partisans des Red Sox se sont pris d’affection pour David Ortiz et Pedro Martinez, tous deux natifs de la République dominicain­e.

Mais comme le dit Ward, il ne faut pas se leurrer. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour rapprocher les communauté­s blanches et noires. Barack Obama l’a dit durant ses deux mandats à la présidence et le répète encore.

Ward préfère concentrer ses efforts sur la communicat­ion et l’éducation. Il demande aux gens de se regrouper et d’en parler autour de la table de cuisine, dans le vestiaire ou les gradins. Il s’agit à ses yeux de la meilleure façon de réduire l’écart entre les races.

C’est très noble de sa part, mais avec un président qui est en train de faire reculer le débat où il en était avant l’adoption des droits civiques dans les années 1960, la tâche s’annonce gigantesqu­e.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES ?? Plutôt que de s’agenouille­r durant l’hymne national, Joel Ward préfère concentrer ses efforts sur la communicat­ion et l’éducation.
PHOTO D’ARCHIVES Plutôt que de s’agenouille­r durant l’hymne national, Joel Ward préfère concentrer ses efforts sur la communicat­ion et l’éducation.

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