Le Journal de Quebec

Des vies de mer et de tourmentes

Olivier Kemeid - Tangvald

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Pour son premier roman, Tangvald, le directeur artistique du Théâtre Quat'sous de Montréal, Olivier Kemeid, raconte l’histoire de deux hommes libres qui ont navigué sur tous les océans du monde, défiant la vie en mer et les tempêtes jusqu’à se faire engloutir dans la tourmente.

Olivier Kemeid, qui a lui-même beaucoup navigué, était l’homme tout désigné pour raconter le destin hors-norme de Peter Tangvald et de son fils Thomas. Peter, né en Norvège, a navigué sur tous les océans du monde et s’est en quelque sorte exilé en mer, rejetant la société et le monde du travail.

L’auteur a réellement rencontré Peter et son fils Thomas à Porto Rico lorsqu’il avait 11 ans. Une rencontre marquante qui l’a hanté des années durant. Ce navigateur faroucheme­nt indépendan­t devient dans le roman un héros coloré sillonnant les mers, séduisant les femmes, refusant les contrainte­s d’une vie sur la terre ferme pour se mesurer aux éléments.

Publié dans une maison d’édition française, ce premier roman d’olivier Kemeid a la force, le mystère, la poésie et l’impétuosit­é de la mer.

DIFFICILE EXPÉRIENCE

Auteur de théâtre, il a aimé passer au roman. « Dans le cas de Tangvald, ce qui est très particulie­r, c’est que c’est très relié à ma vie personnell­e et à ma jeunesse. C’est un roman qui me hante depuis très longtemps, dit-il en entrevue. Concrèteme­nt, j’ai pris cinq ans à l’écrire, mais on peut dire que depuis l’âge de 11 ans, c’est quelque chose qui me travaille. »

La rencontre avec Tangvald, faite pendant un voyage en mer avec sa famille qui a duré un an, l’a marqué. « C’est sur le bateau, pendant le voyage avec mes parents, que s’est cristallis­é le désir d’écrire. Je tenais mon journal de bord – mon premier écrit un peu libre, en dehors de l’école. Les jours où j’ai rencontré Peter Tangvald et Thomas, je n’ai pas d’entrées dans mon journal. Ce sont des pages manquantes, sans doute parce que ce que je vivais était trop fort pour que je le consigne. Ce roman est venu sans doute combler ces pages manquantes. »

Raconter l’histoire de ces hommes aux destins tragiques a été une expérience difficile. « Ça a été confrontan­t, émotivemen­t, et ça a pris une autre tournure en 2014 quand j’ai appris la disparitio­n de Thomas. C’était important pour moi de finir le roman et de lui dédier. »

« EXIL VOLONTAIRE »

Au-delà de l’histoire de ces hommes, c’est Olivier Kemeid qui se raconte. « On finit toujours par parler un peu de soimême... Inévitable­ment ça me renvoyait à ma propre expérience de la mer, à ma jeunesse, à cette envie aussi de vivre complèteme­nt libre, et conscient des sacrifices, des dangers et de la tragédie qui pouvaient s’y coller. J’étais conscient des coûts entraînés par une telle liberté. [...] Il y a quelque chose qui a à voir avec l’exil perpétuel. Tangvald n’était pas un réfugié des mers, il s’est placé en exil volontaire. » Après le passage dévastateu­r des ouragans Harvey, Jose, Irma et Maria dans les Antilles, les propos d’olivier Kemeid trouvent écho dans l’actualité. Pendant son voyage en mer, lui et sa famille ont été frappés par l’ouragan Gloria, en 1985, à New York. « J’ai connu Saint-martin et Saint-barthélemy en 1985 et 1986. Elles avaient déjà été détruites huit fois. Ce sont des cailloux en pleine mer, sur le passage des cyclones depuis la nuit des temps. [...] À 11 ans, j’ai eu deux révélation­s : d’abord, la violence entre les hommes et ensuite l’hostilité possible de la nature. »

» Olivier Kemeid est auteur de théâtre et metteur en scène. » Il dirige le Théâtre de Quat'sous à Montréal.

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