On rit, mais ce n’est pas drôle
Que penser de cet ouvrage délibérément provocateur ? Mathieu Bock-côté l’a porté aux nues dans ce même journal et Louis Cornellier, dans Le Devoir, parle « d’entreprise de démolition du PQ ».
Ce professeur de philosophie a de l’humour. Les 30 premières pages sont une pièce d’anthologie. Ses « croquis carnivores » m’ont fait rire le plus sérieusement du monde. Si Rozon lui fait une offre alléchante, il pourrait bien troquer sa chaire universitaire pour la scène du SaintDenis. Il pourrait même inaugurer une nouvelle section, genre derby de démonologie ou piquenique sur l’herbe où on boufferait allégrement du péquiste. Ses monologues ubuesques feraient fureur, tant les Québécois aiment qu’on leur mette le nez dans leurs déjections.
RIRE DU MONDE
On a beau citer Albert Memmi à l’appui, le message ne passe cependant pas toujours. Car ce sont de ces Québécois colonisés, sans repères, semi-analphabètes, victimes de la thalidomide (cette expression est de lui), éternels sinistrés, bons perdants, assidus des émissions de télévision insipides, où l’on discute « le plus sérieusement du monde de ce qui se passait dans la chambre des joueurs », dont il se paie la tête. Facile pour un prof de philo de taper sur ces « crottés les Ti-cul/les tarlas les Ti-casse/ceux qui prennent une patate/avec un coke », si chers à Gérald Godin. Tout aussi facile de se payer la tête d’un Denis Lévesque qui n’a pas la prétention d’inventer le bouton à quatre trous, et surtout pas de présider au « tribunal de l’opinion publique ». Facile de rire des commentaires après match, qu’il s’agisse de Dany Dubé, de Ron Fournier ou de Michel Bergeron.
C’est différent par contre de rire de Tout le monde en parle où trône Guy A. en « roi Midas de la société d’état », ou certaines autres « veudettes » qui se prennent tellement au sérieux qu’elles méritent amplement qu’on les malmène, comme « la douairière » Anne-marie D., « un modèle de rigueur journalistique » (sic), Yves Boisvert de La Presse, toujours prêt à « louer le travail des confrères à jabots et autres figurants brébovins », Denise B., Vincent Gratton, Christian Bégin, etc. On se prend à jubiler et on se dit : mon dieu, qu’il a raison !
INFLATION VERBALE
Personne ne trouve grâce à ses yeux. C’est qu’il a l’inflation verbale facile. Pourtant, on se dit qu’il est de notre bord, on sent qu’il a le Québec à coeur, qu’on déteste les mêmes choses, qu’on a les mêmes ennemis. Il a tellement raison qu’on est prêt à oublier ses appels de détresse à propos des « quarante ans de déboires péquistes » et de sa direction, même si ça fait mal. Il y a de ces coups de boutoir qui sont bénéfiques.
Prenez, par exemple, quand il parle de la médecine sans âme et de notre société agonique. Le Québécois serait « un possédé des soins gratis, de l’école pas chère, du no fault, des centres d’accueil, des mouroirs conventionnés et des échafaudages simulant l’apesanteur morale ».
Même constat lorsqu’il commente l’attentat de Québec : « L’acte insensé d’un insensé avait à sa suite provoqué une bouffée délirante : examen de conscience, admonestations mutuelles, correction fraternelle s’échangeaient sans retenues, sur la place publique. Les principaux bas culs municipaux avaient sorti la trique et on se serait cru chez les frères de la contrition maladive. […] Pour ajouter à la confusion des spectateurs, le distingué multiculturaliste Charles Taylor n’hésita pas à se dédire… »
Et on applaudit à ce constat : « Le colonisé, un inférieur qui s’ignore, s’avilit à mesure qu’il croit se hisser aux commandes du carrosse démocratique de son maître. » On croirait voir Philippe Couillard et lire Jean Bouthillette dans Le Canadien français et son double.
Tout compte fait, ce pamphlet de 200 pages est l’ouvrage qui m’a le plus stimulé en 2017. Il est un appel au combat.