Ceux qui ne donnent rien
Victimes d’une lourde répression politique et policière sous le joug de l’espagne, les Catalans ont tenu tête. Leur défense pacifique de leur propre droit à décider de leur avenir par référendum nous sert une puissante leçon de démocratie.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que la Catalogne s’inscrit dans la liste des nations minoritaires qui, face à un État central intransigeant, sont piégées. Ceux qui ne donnent rien sont ces gouvernements centraux d’un pays qui, indivisible ou pas, ont tous refusé d’accorder une plus grande autonomie à des populations qui, comme en Catalogne, le souhaitaient pourtant.
Au Canada, avant et après les référendums de 1980 et 1995, Ottawa n’a rien donné non plus au Québec. Exception : Brian Mulroney et l’accord du lac Meech, rejeté néanmoins hors Québec par une opinion publique hostile.
Ceux qui ne donnent rien veulent gagner sans la moindre concession. Entre accommoder et combattre un mouvement nationaliste, ne serait-ce que pour le dissuader de faire sécession un jour, ils choisissent le combat. Au Canada, même la quasi-victoire du Oui en 1995 n’y a rien fait.
Au contraire, le fédéral a décidé de punir le Québec. Il lui a confirmé sa fermeture complète à tout statut spécial. Il l’a menacé de partition s’il osait récidiver un jour. Avec sa loi dite sur la clarté, il a même tenté de nier son droit à l’autodétermination.
PLUS RAFFINÉS
En Écosse, ceux qui ne donnent rien ont été nettement plus raffinés. Londres a certes négocié un accord permettant un référendum sur l’indépendance et le respect de la règle du « 50 % +1».
Si le gouvernement de Londres l’a fait, c’est toutefois parce qu’il refusait tout référendum qui, en lieu et place, aurait porté sur une dévolution maximale de pouvoirs à l’écosse à l’intérieur du Royaume-uni.
Le pari de Londres était qu’une question sur l’indépendance ne gagnerait jamais 50 % +1 des voix. À l’opposé, une dévolution de pouvoirs aurait remporté la mise plus facilement en Écosse. Mais Londres ne voulait surtout pas d’une option aussi décentralisatrice.
En Espagne, après avoir renié une entente qui, en 2006, accordait le statut de nation à la Catalogne, ceux qui, à Madrid, ne donnent rien ont choisi la manière forte. Ils ont nié le droit des Catalans à l’autodétermination et brutalisé une population pacifique.
BRISER LE MOULE
Comptant sur le silence d’une Europe elle-même inquiète de voir monter d’autres mouvements nationalistes, Madrid a montré ses muscles sans hésitation.
En Occident, ceux qui ne donnent rien ont obligé des nations minoritaires piégées à renoncer à leur rêve d’émancipation nationale, quelle qu’en soit la forme – société distincte, nation autonome ou pays indépendant.
Ceux qui ne donnent rien, y compris à Ottawa, restent silencieux devant ce qui se passe en Catalogne. Ils ont le gros bout du bâton et ils aiment ça.
À moins que les Catalans, au lendemain du référendum, réussissent enfin à trouver une manière de briser le moule.