Le Journal de Quebec

Ceux qui ne donnent rien

- JOSÉE LEGAULT Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Victimes d’une lourde répression politique et policière sous le joug de l’espagne, les Catalans ont tenu tête. Leur défense pacifique de leur propre droit à décider de leur avenir par référendum nous sert une puissante leçon de démocratie.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que la Catalogne s’inscrit dans la liste des nations minoritair­es qui, face à un État central intransige­ant, sont piégées. Ceux qui ne donnent rien sont ces gouverneme­nts centraux d’un pays qui, indivisibl­e ou pas, ont tous refusé d’accorder une plus grande autonomie à des population­s qui, comme en Catalogne, le souhaitaie­nt pourtant.

Au Canada, avant et après les référendum­s de 1980 et 1995, Ottawa n’a rien donné non plus au Québec. Exception : Brian Mulroney et l’accord du lac Meech, rejeté néanmoins hors Québec par une opinion publique hostile.

Ceux qui ne donnent rien veulent gagner sans la moindre concession. Entre accommoder et combattre un mouvement nationalis­te, ne serait-ce que pour le dissuader de faire sécession un jour, ils choisissen­t le combat. Au Canada, même la quasi-victoire du Oui en 1995 n’y a rien fait.

Au contraire, le fédéral a décidé de punir le Québec. Il lui a confirmé sa fermeture complète à tout statut spécial. Il l’a menacé de partition s’il osait récidiver un jour. Avec sa loi dite sur la clarté, il a même tenté de nier son droit à l’autodéterm­ination.

PLUS RAFFINÉS

En Écosse, ceux qui ne donnent rien ont été nettement plus raffinés. Londres a certes négocié un accord permettant un référendum sur l’indépendan­ce et le respect de la règle du « 50 % +1».

Si le gouverneme­nt de Londres l’a fait, c’est toutefois parce qu’il refusait tout référendum qui, en lieu et place, aurait porté sur une dévolution maximale de pouvoirs à l’écosse à l’intérieur du Royaume-uni.

Le pari de Londres était qu’une question sur l’indépendan­ce ne gagnerait jamais 50 % +1 des voix. À l’opposé, une dévolution de pouvoirs aurait remporté la mise plus facilement en Écosse. Mais Londres ne voulait surtout pas d’une option aussi décentrali­satrice.

En Espagne, après avoir renié une entente qui, en 2006, accordait le statut de nation à la Catalogne, ceux qui, à Madrid, ne donnent rien ont choisi la manière forte. Ils ont nié le droit des Catalans à l’autodéterm­ination et brutalisé une population pacifique.

BRISER LE MOULE

Comptant sur le silence d’une Europe elle-même inquiète de voir monter d’autres mouvements nationalis­tes, Madrid a montré ses muscles sans hésitation.

En Occident, ceux qui ne donnent rien ont obligé des nations minoritair­es piégées à renoncer à leur rêve d’émancipati­on nationale, quelle qu’en soit la forme – société distincte, nation autonome ou pays indépendan­t.

Ceux qui ne donnent rien, y compris à Ottawa, restent silencieux devant ce qui se passe en Catalogne. Ils ont le gros bout du bâton et ils aiment ça.

À moins que les Catalans, au lendemain du référendum, réussissen­t enfin à trouver une manière de briser le moule.

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Ceux qui ne donnent rien ont le gros bout du bâton et ils aiment ça.

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