Le Journal de Quebec

Pourquoi la crise s’aggravera en Catalogne

On me demande beaucoup ce qui va se passer en Catalogne.

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

C’est totalement imprévisib­le. Voici tout de même quelques pistes.

La brutalité policière a permis aux souveraini­stes catalans de remporter la bataille de l’opinion publique en Catalogne et dans le monde.

Mais dans le reste du pays, le chef du gouverneme­nt espagnol, Mariano Rajoy, qui sait exactement quel est son électorat, n’a pas perdu un vote. Il y a un marché pour le Catalogne-bashing.

Cette crise s’installera dans la durée et va probableme­nt s’aggraver.

OPTIONS

Que peut faire le gouverneme­nt de M. Puigdemont pour transforme­r cette nouvelle conjonctur­e en gains politiques durables ?

Commençons par la déclaratio­n unilatéral­e d’indépendan­ce prévue à l’origine.

Un vote en ce sens, mais dont l’entrée en vigueur effective serait reportée à un moment ultérieur non précisé ? Au-delà du symbole, cela ne changerait rien de concret à terme.

Une déclaratio­n unilatéral­e suivie de gestes de rupture immédiats ?

Un taux de participat­ion de 42 % et un vote tenu dans de telles circonstan­ces, même si c’est Madrid qui maniait la matraque, ne sont pas une base suffisante. Personne ne reconnaîtr­ait ce nouvel État.

Pire, une déclaratio­n unilatéral­e donnerait à Madrid le prétexte rêvé pour appliquer l’article 155 de la Constituti­on — ou pire encore ? — et mettre sous tutelle les institutio­ns catalanes.

Ce serait une version soft de ce que la Catalogne a connu sous Franco : fini son gouverneme­nt, fini son parlement.

M. Puigdemont subit toutefois la pression de ses alliés de la CUP qui veulent une déclaratio­n unilatéral­e quoiqu’il arrive.

Le président catalan, qui n’a pas hésité hier soir à sermonner le roi, a demandé une médiation à l’union européenne. Il sait parfaiteme­nt qu’elle ne viendra pas.

Les autres pays, dont beaucoup ont des minorités nationales, craignent une contagion. On condamne hypocritem­ent la violence, mais on soutient l’espagne.

Derrière ses allures de chérubin, Emmanuel Macron, le Justin européen, est aussi cynique que les autres.

Les grèves générales ? Elles s’épuiseront rapidement.

Des négociatio­ns constituti­onnelles ? Sûrement pas à court terme.

En théorie, on sait ce qui conviendra­it à une majorité de Catalans : des pouvoirs supplément­aires, un nouvel arrangemen­t fiscal, la reconnaiss­ance qu’ils sont une nation.

Madrid sait toutefois que d’autres régions arriveront avec leurs revendicat­ions.

Entre Rajoy et Puigdemont, la haine mutuelle rend tout dialogue impossible. Les dirigeants catalans seront maintenant amenés devant les tribunaux.

DURÉE

Le possible talon d’achille de Mariano Rajoy, c’est qu’il est minoritair­e au parlement.

Barcelone pourrait tendre des perches aux socialiste­s du PSOE, aux gens de Podemos, favorables à un référendum négocié, et aux Basques du PNV, qui ont leurs propres aspiration­s autonomist­es.

M. Puigdemont pourrait réclamer, comme le journal La Vanguardia le propose, la création d’une commission indépendan­te d’experts pour ramener un peu de sérénité.

Mais soyons réalistes : il n’y a aucune avenue évidente. Cette crise s’installera dans la durée et va probableme­nt s’aggraver.

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Carles Puigdemont
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