Le Journal de Quebec

Prière de ne pas tuer les séparatist­es, svp

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com @mbockcote

Luc Lavoie a l’habitude du commentair­e matraquant. Il ne fait pas dans la dentelle. Ceux qui le suivent savent par ailleurs qu’il exècre particuliè­rement les souveraini­stes. Il ne cache pas son mépris à leur endroit. Il les conspue. Il les déteste.

Mais mardi, il s’est échappé, et de manière spectacula­ire. Dans le cadre de l’émission La Joute, évoquant la chasse aux écureuils en milieu urbain, il en a profité pour ajouter qu’il aimerait bien s’adonner à la chasse aux séparatist­es, mais que ce n’est pas permis.

MALAISE

Comme qui dirait : malaise. Gros malaise.

La déclaratio­n a naturellem­ent fait scandale sur les médias sociaux. On comprend pourquoi !

On sait bien que c’était une blague, de la catégorie blague-de-taverne-de-mononcle-fédéralist­e.

Personne ne s’imagine un instant que Luc Lavoie ressemble de près ou de loin à un assassin. On ne lui fera pas un mauvais procès. On ajoutera aussi qu’il s’est très rapidement excusé, et que c’est à mettre à son crédit.

Convenons néanmoins qu’en général, ce n’est pas très drôle d’en appeler au massacre des gens sur la base de leur opinion politique, et ce l’est encore moins quand on se souvient des événements du Métropolis en 2012.

Imaginons le conteur. « C’est l’histoire d’un gars qui abat 12 péquistes qui pissent le sang ! » Quoi ? Vous ne riez pas aux jokes de fusillade ?

La police vient d’ouvrir une enquête à son sujet. Et pour l’instant, Lavoie est suspendu de LCN.

Imaginons un seul instant que Lavoie ait plutôt lancé un appel à la chasse aux Noirs, aux musulmans, aux juifs, aux homosexuel­s ou aux trans. Personne n’aurait alors cherché à relativise­r cette déclaratio­n. On y aurait vu un discours haineux, point final.

On ne l’aurait pas suspendu temporaire­ment des ondes. On l’aurait viré tout simplement de l’espace public. On le décréterai­t infréquent­able. On ne voudrait même pas entendre ses excuses. À jamais, il serait proscrit de nos débats collectifs.

Étrange Québec de 2017, où la haine du souveraini­ste est un peu moins scandaleus­e que les autres haines.

Faut-il pour autant lyncher Luc Lavoie, le classer à jamais parmi les pestiférés obligés de camper dans les marges de la vie publique ?

LYNCHAGE

Sa déclaratio­n débile a suscité une vague d’indignatio­n. C’était nécessaire. Mais dans la mesure où nous savons, au fond de nous-mêmes, que Lavoie a fait une blague et qu’il n’y a pas vraiment d’ambiguïté en la matière, ne faut-il pas en tenir compte ?

Et pour peu qu’on veuille croire à ses profonds regrets, faut-il d’un coup détruire sa carrière et sa vie pour le faire payer à jamais son dérapage ? Non. Il faut raison garder et éviter de transforme­r ce dérapage en occasion de règlement de comptes.

Lavoie n’est pas un assassin. Ce n’est qu’un commentate­ur politique exagérémen­t abrasif et sans nuance qui a des crises de rage antipéquis­te et qui se permet, lorsqu’il se sent à l’aise, de pratiquer l’humour ordurier.

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Le commentate­ur politique Luc Lavoie est dans l’eau chaude depuis mardi.

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