Claude Chamberlan, le fou furieux du cinéma
Sans Claude Chamberlan, cofondateur d’un festival qui en est miraculeusement à sa 46e édition, Blade Runner 2049, lancé en grande pompe à Los Angeles, mardi soir, n’aurait jamais été projeté le lendemain au Festival du nouveau cinéma. C’est grâce à « un fou furieux » de cinéma que Denis Villeneuve a fait des pieds et des mains pour que son dernier film soit présenté à Montréal avant toute autre ville canadienne. À Toronto, on n’en revient pas encore !
C’est grâce à ce festival, passé par toutes les tribulations imaginables, que Villeneuve s’est découvert une carrière cinématographique. Du moins, c’est ce qu’il prétend et il n’y a aucune raison d’en douter.
Nos deux principaux festivals du film sont passés par d’invraisemblables turbulences. Le Festival des films du monde de Serge Losique aurait pu, il y a longtemps, demander l’aide à mourir, alors que le FNC ne s’est jamais si bien porté.
Il faut dire que Chamberlan n’a pas l’entêtement suicidaire de l’homme à la casquette noire. Il partage avec lui le même amour inconditionnel du cinéma, mais autant l’un est despotique, autant l’autre se moque de qui tient les rênes, pourvu que le cheval galope.
FESTIVAL INCONTOURNABLE
À compter d’aujourd’hui, au cinéma du Parc, à l’impérial, à l’odéon Quartier latin et à la Cinémathèque québécoise, les cinéphiles peuvent voir quelques centaines de longs métrages, des films d’animation et des documentaires, des oeuvres de réalité virtuelle issus de tous les coins du monde. Au Club Soda, on présentera même demain soir une version inédite de Stereoscopic, un spectacle inusité fait d’images de synthèse en stéréoscopie 3D et de musique « live » du groupe électro-folk Dear Criminals.
L’éclectisme échevelé de Claude Chamberlan, son attitude débonnaire, son esprit anarchique et son discours souvent brouillon auraient torpillé n’importe quel festival. Ironie du sort, c’est probablement à cause des « beaux » défauts de son cofondateur que le FNC est devenu un événement incontournable.
UNE CRISE « HISTORIQUE »
Ce n’est pas un mince exploit quand on se rappelle la regrettable « crise des festivals » qui opposa le groupe de Daniel Langlois, ex-propriétaire des salles Ex-centris, et le groupe d’alain Simard, PDG de Spectra.
Celui-ci était solidement appuyé par les deux ministres de la Culture de l’époque, Liza Frulla à Ottawa et Line Beauchamp à Québec. L’objectif non avoué des deux ministres était de clouer le dernier clou dans le cercueil du Festival des films du monde.
Le « grand festival unique » qu’elles avaient imaginé n’a pas réussi à prendre son envol, mais il a laissé moribond celui de Serge Losique. Menacé de disparaître du même coup, le Festival du nouveau cinéma se porte mieux que jamais.
UNE RARE UNANIMITÉ
Aujourd’hui, le FNC a pris quelque distance avec son cofondateur, mais il compte sur une équipe solide et expérimentée. La programmation est confiée à une pléiade de programmateurs dont plusieurs ne sont pas des Québécois de souche, ce qui leur donne sur le cinéma du monde des perspectives aussi larges que variées.
Claude Chamberland ne partage pas moins la responsabilité finale de la programmation avec Philippe Gajan.
Que Denis Villeneuve ait remué ciel et terre pour que Blade Runner 2049 ouvre le Festival du nouveau cinéma est bien la preuve que le festival fait désormais l’unanimité du milieu, mais c’est au fou furieux de cinéma qu’est Claude Chamberlan qu’on doit le miracle.
TÉLÉPENSÉE DU JOUR
Ironie du sort, c’est probablement à cause des « beaux » défauts de son cofondateur que le FNC est devenu un événement incontournable
Au cinéma, tout est possible — Agnès Varda en 1966.