Le Journal de Quebec

Remaniemen­t, renouvelle­ment : idées usées

- @Ant_robitaille antoine.robitaille@quebecorme­dia.com ANTOINE ROBITAILLE Chef du Bureau d’enquête au parlement de Québec

Promettre le « renouvelle­ment », le « changement », c’est sans doute l’idée la plus vieille en démocratie.

Tous les camps politiques la reprennent toujours à différents degrés. C’est à l’équipe qui sera la plus crédible pour porter cet espoir consubstan­tiel (si vous permettez un mot du jour) à nos insatiable­s démocratie­s.

TRANSFORMA­TION

Ainsi, Philippe Couillard a déjà annoncé il y a deux semaines qu’il amorçait une phase de « transforma­tion ». Il a commencé par congédier son directeur de cabinet Jean-louis Dufresne. Le chef libéral aurait bien pu attendre après la défaite dans Louis-hébert, mais son caucus ne lui a pas trop donné le choix : une fronde s’organisait en son sein ! Dans la semaine qui vient, le premier ministre sera presque contraint d’abattre une de ses dernières cartes lui permettant de donner l’impression d’un renouvelle­ment : remanier son cabinet.

L’exercice ne plaît pas particuliè­rement à M. Couillard : « Ces choix ne sont jamais faciles pour un premier ministre, et tous mes prédécesse­urs vous diront qu’une journée comme celle d’hier est à la fois exaltante et difficile », confiait-il lors du dernier exercice du type, le 28 janvier 2016. Comme à l’époque, il sait que plusieurs de ses 68 députés s’imaginent très bien dans une limousine.

Le remaniemen­t se fera donc en partie pour des raisons internes, pour calmer une certaine grogne.

COMBATTRE L’USURE

Aux ambitieux déçus, M. Couillard rappellera peut-être la formule qu’il avait utilisée lors de la formation de son premier conseil, en 2014 : « Être ministre est certaineme­nt un honneur, mais ce n’est pas une récompense : c’est une exigence ; c’est un devoir d’état. » Gageons qu’il aura peu de succès…

La raison principale du remaniemen­t ? Combattre l’usure prématurée de ce gouverneme­nt, dont plusieurs membres étaient déjà dans le paysage à l’ère Charest.

En fait, l’idée même d’un renouvelle­ment de l’équipe Couillard a quelque chose d’usé. Lors du remaniemen­t précédent, en janvier 2016, M. Couillard parlait déjà d’une équipe ministérie­lle « dynamique, compétente, expériment­ée, renouvelée ».

À ses yeux, le remaniemen­t marquait « un nouvel élan ». La rigueur budgétaire, c’était terminé. « Nous avons passé le cap qui donne accès à des eaux plus tranquille­s. »

Les eaux ministérie­lles n’ont rien eu de tranquille depuis toutefois, bouleversé­es qu’elles furent par de nombreux ajustement­s : malade, Pierre Moreau s’absenta un an ; Sébastien Proulx le remplaça ; Hélène David passa de la culture à l’enseigneme­nt supérieur ; Luc Fortin la remplaça à la culture ; Jacques Daoust démissionn­a avant de quitter ce monde l’été dernier ; Sam Hamad fut expulsé, remplacé par Leitao, puis par Moreau ; on suspendit Pierre Paradis, que Laurent Lessard remplaça ; depuis, ce dernier trouve ses deux maroquins bien lourds. À un an des élections, il sera ardu ne serait-ce que de donner l’illusion d’un renouvelle­ment.

Les principaux membres du conseil des ministres sont quasiment inamovible­s. Gaétan Barrette répète sur toutes les tribunes qu’il souhaite conserver la Santé.

Avec les surplus budgétaire­s à venir, M. Couillard a besoin de celui qui incarne la bonne gestion, Carlos Leitao, pour rappeler cette authentiqu­e bonne nouvelle (au moins sur le plan fiscal). Pour le reste, faire monter de nouveaux visages risque de donner l’impression de mettre du vin nouveau dans de vieilles « outres ».

Ce sera forcément un renouvelle­ment éphémère, d’abord puisque le bateau perdra des matelots avant le prochain scrutin. De plus, à l’été 2018, les priorités de l’état seront reléguées bien loin après les urgences électorale­s.

Une période où l’on nous promettra, le pari est facile, d’autres « nouveaux renouvelle­ments ».

 ??  ??
 ??  ?? Carlos Leitao n’a pas à s’inquiéter car Philippe Couillard a besoin de celui qui incarne le bonne gestion des finances publiques.
Carlos Leitao n’a pas à s’inquiéter car Philippe Couillard a besoin de celui qui incarne le bonne gestion des finances publiques.

Newspapers in French

Newspapers from Canada