Le Journal de Quebec

Elle s’offre le voyage que ses parents n’ont pu vivre

La fille d’un couple qui a péri dans l’accident se rend à L’isle-aux-coudres ce week-end

- SOPHIE CÔTÉ

Deux décennies après l’accident d’autocar, Lucie Sylvain tenait à compléter le voyage inachevé de ses parents à L’isle-aux-coudres, la fin de semaine de l’action de grâce.

« On y va pour vivre ce qu’ils n’ont pas vécu. C’est un plaisir pour moi de finir leur voyage, affirme la femme de Saint-bernard, rencontrée à sa résidence en septembre. On ne va pas là pour brailler, mais pour avoir du plaisir en pensant à eux autres », insiste-t-elle.

Mme Sylvain et son mari doivent y célébrer cette fin de semaine « Noël en automne » (voir encadré), à l’hôtel-motel Les Voitures d’eau.

« Tous les ans, je voulais y aller. Là, je le fais. C’est une façon de penser à eux autres… [De montrer] qu’on ne les a pas oubliés, qu’ils sont toujours là », exprime la femme, souriante, la gorge néanmoins nouée par l’émotion.

UNE CARAPACE

Le lundi de l’action de grâce 1997, Lucie Sylvain apprenait à la radio qu’un grave accident d’autocar s’était produit au bas de la côte des Éboulement­s.

Rapidement, le pire se confirmait : il s’agissait de l’autocar dans lequel se trouvaient ses parents. Les deux sexagénair­es y ont laissé leur vie.

Mme Sylvain admet qu’elle n’a pas beaucoup pleuré la mort de ses parents. Elle devait être forte, fait valoir la femme, qui était maman de quatre enfants d’âge scolaire au moment du drame.

« Tu n’as pas le choix, tu te fais une carapace », dit-elle, en tentant de retenir ses émotions.

« ON A APPRIS À VIVRE AVEC »

Le bel esprit de famille qui règne chez les Sylvain a aidé à « passer à travers », fait-elle remarquer.

« On ne l’a jamais accepté, mais on a appris à vivre avec », soutient celle qui profitera de son séjour à L’isle-aux-coudres pour aller se recueillir sur les lieux de la tragédie.

« J’aimais ça aller là-bas, soulève Mme Sylvain, qui n’est pas retournée aux Éboulement­s depuis plus de 10 ans. Je me disais : il me semble que c’est ici que je leur parle, que leurs âmes sont là », confie-t-elle, soulignant que ses parents sont morts « dans le plus beau paysage du monde ».

LIEU DE PÈLERINAGE

À l’instar du voyage que complétera Lucie Sylvain, plusieurs Bernardins se sont rendus à L’isle-aux-coudres au cours des vingt dernières années pour admirer les lieux que les victimes n’ont jamais pu visiter.

L’île de Charlevoix est en quelque sorte devenue un lieu de pèlerinage pour ces familles, qui font un détour par l’ancienne côte des Éboulement­s où, encore aujourd’hui, une douzaine de croix et de petits monuments funéraires rappellent cette sombre journée de 1997.

« J’ai rencontré plusieurs personnes sur le site qui expliquent avoir perdu leurs parents dans cet accident-là », confirme un employé de l’hôtel Cap-aux-pierres, l’établissem­ent qui devait recevoir le groupe de Saint-bernard. Ce dernier était en poste lors de cette journée noire.

« Je répondais au téléphone aux familles qui voulaient savoir si leurs parents étaient ici… J’ai trouvé ça très difficile », mentionne l’homme, qui n’oubliera jamais ces durs moments.

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Lucie Sylvain, ses soeurs et son frère ont perdu leurs parents Gilberte (61 ans) et Jean-denis Sylvain (60 ans) dans l’accident des Éboulement­s.
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PHOTO SOPHIE CÔTÉ Des croix en souvenir des disparus sont encore visibles sur les lieux de la tragédie.
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