Le Journal de Quebec

Victimes d’agressions à « tous les jours »

Les employés des centres jeunesse tirent la sonnette d’alarme

- ELISA CLOUTIER

Agressions physiques et verbales répétées contre des employés, intervenan­ts surchargés et en manque de ressources, la situation va de mal en pis dans les 16 centres jeunesse du Québec, où le nombre de congés de maladie augmente.

Chaises et tables lancées sur des employés, coups de poing et séquestrat­ions, les employés des centres jeunesse sont à bout de souffle, si bien que certains se qualifient de « polytrauma­tisés ».

Selon des documents obtenus par Le Journal en vertu de la loi sur l’accès à l’informatio­n, 10 centres sur 16 ont connu une hausse de leur nombre de congés maladie prolongés, au cours des deux dernières années. Ce sont dans ceux de Montréal, de la Montérégie, de Québec et de Laval, où l’on compte le plus grand nombre d’heures payées en assurance salaire. Par ailleurs, ce sont les centres de Laval, de la Côte-nord, de l’outaouais et de Québec qui cumulent les plus grandes hausses.

« SE FAIRE MORDRE »

« Il y a “en rotation” au moins deux employés en congé de maladie dans chaque équipe, depuis plusieurs mois », selon Patrick Beauregard, travailleu­r social au Centre jeunesse de Montréal.

Des employés interrogés par Le Journal sous couvert d’anonymat, estiment que les agressions « de plus en plus violentes » expliquent en bonne partie les nombreux départs en congé maladie. « Être séquestrée par un jeune dans un bureau, une fourchette qui revole sur le plancher et qui pique juste à côté de ton pied, se faire mordre ou cracher dessus, se faire traiter d’ostie de pute, de lesbienne, c’est fréquent », mentionne MarieÈve (nom fictif), employée du Centre jeunesse de Québec, arrêtée depuis plusieurs mois après avoir subi un choc post-traumatiqu­e lié à une agression physique.

« Les agressions, ça arrive tous les jours. La violence est maintenant banalisée par les éducateurs. Maintenant, une porte qui claque, ça me ramène à mon angoisse », raconte celle qui fait une croix sur son travail auprès des jeunes.

« Quand tu te fais agresser et que tu vois une collègue se faire agresser violemment, après, tu as des flash-back quand tu reviens à l’unité », explique Sophie (nom fictif), employée au Centre jeunesse de Laval, qui, en près de 10 ans de carrière, a été arrêtée trois fois.

« L’employeur met peu de choses en place pour éviter les agressions envers les employés. Quand on a eu une chaise dans la face la veille, nous n’avons pas la distance nécessaire le lendemain pour rester neutre, empathique et aidant envers ce même enfant-là », ajoute celle qui déplore les récentes coupes.

« Depuis l’épisode des fugues, il y a eu des mises à pied de travailleu­rs sociaux, de psychoéduc­ateurs, de psychologu­es. Ils ont ajouté des gestionnai­res qui ont un lien avec la police et c’est tout », dit-elle.

TROP DE TÂCHES ADMINISTRA­TIVES

Depuis les fusions des centres jeunesse et des établissem­ents de santé en divers CISSS et CIUSSS en 2015, les tâches administra­tives ont explosé, selon les intervenan­ts, qui estiment que plus du tiers de leur temps de travail se déroule devant leur ordinateur.

Par ailleurs, les charges de travail pourraient être revues pour certains employés du centre jeunesse à Québec, alors que le président-directeur général du CIUSSS de la Capitale-nationale, Michel Delamarre, confirme qu’une centaine de postes seront abolis au sein du CIUSSS, dont certains dans les secteurs de la jeunesse. « Ce sont plutôt des postes qui seront transformé­s, alors qu’au moins 70 de ces postes étaient vacants », précise-t-il, en ajoutant que certains seront « relocalisé­s » et certaines charges de travail seront revues. M. Delamarre n’a pas été en mesure de dire exactement combien de postes seront abolis ou transformé­s au Centre jeunesse de Québec.

 ?? PHOTO JEAN-FRANCOIS DESGAGNÉS ?? Selon les documents obtenus par Le Journal, 10 centres sur 16 ont vu une hausse de leur nombre de congés maladie prolongés, au cours des deux dernières années. Les employés rencontrés ont préféré témoigner sous couvert d’anonymat.
PHOTO JEAN-FRANCOIS DESGAGNÉS Selon les documents obtenus par Le Journal, 10 centres sur 16 ont vu une hausse de leur nombre de congés maladie prolongés, au cours des deux dernières années. Les employés rencontrés ont préféré témoigner sous couvert d’anonymat.

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