SES PROCHES Y VOIENT UNE « PROFONDE INJUSTICE »
« Jacques a été une proie très facile. C’était la tête de Turc parfaite. »
D’après Louise Lamarre, son mari « n’accepte pas le verdict, mais il a compris très vite que ses chances de succès étaient minces » dans le système judiciaire de son pays d’adoption.
« Quand il a été déclaré coupable, il n’y a eu aucune surprise pour lui », a-t-elle dit en ajoutant qu’il y avait « un côté politique » à cette affaire.
Son ancien avocat, Me Patrick Mclain, a déjà déclaré à l’agence QMI que le gouvernement américain cherchait à « diaboliser » le Dr Roy par ce coup de filet mené durant l’année électorale de 2012, deux ans après l’adoption de la réforme de santé Obamacare du président Obama.
« Ils ont épinglé le mauvais gars. C’était un des médecins les plus vaillants du pays », avait déclaré au jury Me Robert Scardino, l’un des trois avocats du Dr Roy pendant son procès, cité par le quotidien Dallas Morning News. Joint par Le Journal, Me Scardino a refusé de commenter le dossier.
SON FILS COINCÉ
Jacques Roy a même vu son fils Nicolas être contraint à aller témoigner à son procès. Pour la poursuite.
L’étudiant travaillait à temps partiel à la clinique de son père, où il s’occupait des finances tout en complétant sa maîtrise en administration, quand le FBI a frappé.
« Ils lui ont fait comprendre qu’il était mieux de coopérer sinon il pourrait être accusé lui aussi. Mais Nicolas a dit la vérité et ça les mettait en maudit, parce que ce n’est pas ce qu’ils voulaient entendre », a relaté avec dépit la Dre Lamarre.
DES TÉMOINS COUPABLES
D’autres témoins, des accusés ayant plaidé coupables et qui étaient d’ex-employés ou collaborateurs du Dr Roy, l’ont incriminé en cour. En échange de leur collabora- tion, ils ont reçu des peines beaucoup plus clémentes que le Québécois.
« Ça marche comme ça ici, a dit sa femme. Des vrais fraudeurs comme l’ex-gérante de son bureau, qui imitait la signature de Jacques sur les formulaires et qui a témoigné que c’est Jacques qui lui demandait de signer pour lui. Il avait une confiance aveugle en elle. »
Teri Sivils s’en est tirée avec une probation de trois ans.
Cyprien Akamnonu, ex-propriétaire d’une agence de santé, a écopé de 10 ans d’incarcération pour avoir témoigné contre le Dr Roy. L’état lui a saisi pas moins de 21 maisons et propriétés immobilières, ainsi que quatre véhicules de luxe, tous acquis frauduleusement.
MAGOUILLE
Jacques Roy se disait victime de « magouille », d’après sa soeur Hélène qui était dans la salle d’audience le jour du verdict, le 13 avril 2016.
« En plus, les jurés semblaient perdus. La seule jurée qui suivait était une infirmière qui travaillait dans un hôpital où Jacques avait supposément volé des clients. Elle ne l’aimait pas et ça paraissait. »
Bernard Desgagné n’hésite pas à avancer que son ami représentait « une cible idéale » dans le grand ménage des régimes Medicare et Medicaid, notamment en raison de « ses origines québécoises ».
« Si tout ça était vrai et pour que cela en vaille la peine, il aurait bien fallu que Jacques s’en mette un peu dans les poches et qu’il planque tous ces millions $ un peu partout ? Mais non. Jacques était quand même le mal incarné pour eux. »
Le psychiatre Pierre Mailloux croit plausible que son ancien collègue à l’hôpital Sainte-marie de Trois-rivières, un gars « très candide et sans méfiance », ait écopé pour d’autres.
« J’ai pas vu souvent de bonnes personnes comme Jacques devenir soudainement des truands. Quand des crosseurs se retrouvent dans l’eau chaude, ils peuvent dénoncer des innocents. »
Le bureau du US Attorney à Dallas n’a pas voulu commenter cette cause parce qu’elle a été portée devant la cour d’appel de l’état.
SÉCURITÉ MÉDIUM
À 60 ans, le Dr Jacques Roy côtoie maintenant des durs à cuire au pénitencier fédéral à sécurité moyenne de Pollock, en Louisiane.
« Lui qui avait toujours mis les ÉtatsUnis sur un piédestal depuis sa jeunesse… Il m’a dit à la blague qu’il est le seul détenu qui n’est pas tatoué là-bas », a mentionné sa conjointe Louise, qui lui parle au téléphone durant quelques minutes chaque jour.
Le médecin dont c’était la première condamnation en matière criminelle croyait pouvoir purger sa peine dans une prison à sécurité minimum au Texas.
« Le juge l’a étiqueté comme quelqu’un de dangereux et les services correction- nels ont dû le classer dans un pénitencier à sécurité médium », a expliqué la Dre Lamarre.
PRISONNIER INTELLECTUEL
Le Québécois passe le plus de temps possible à la bibliothèque de ce bagne qui renferme 1200 prisonniers dont des criminels violents et des trafiquants de drogue issus de gangs inspirant la crainte.
« Il ne se mêle pas beaucoup aux autres. Mais pendant tout le temps qu’il a été emprisonné au Texas, il a gagné le respect des détenus parce qu’il en a aidé plusieurs avec ses connaissances », d’après sa femme.
Puisqu’il est derrière les barreaux depuis son arrestation, ses cinq ans de détention provisoire déjà purgés ont été inclus à sa peine de 35 ans.
« Je trouve insupportable l’idée que Jacques puisse finir sa vie en prison, bien qu’il ait toujours nié énergiquement sa culpabilité et qu’il se soit fait saigner à blanc par des avocats qui l’ont mal défen- du. C’est une profonde injustice », a confié son ami gatinois Bernard Desgagné.
UN PÈRE ATTERRÉ
Les démêlés judiciaires de Jacques Roy ont pesé lourd sur les dernières années qu’a vécues son père, le Dr Joseph Roy, qui a même reçu la visite d’enquêteurs du FBI à Québec.
« Ç’a été très dur pour lui. Il préférait ne pas trop en parler », selon Louise Lamarre.
Joseph Roy s’est éteint à 92 ans en juin 2016, soit deux mois après que son fils eut été jugé coupable au Texas.
« Jacques était détenu et il n’a même pas pu parler ou voir son père une dernière fois avant son décès », a noté la Dre Marie-josée Ladora, meilleure amie de la Dre Lamarre.
MINCE ESPOIR
Hélène Roy estime que son frère cadet n’a « aucune chance de s’en sortir en appel ». « Il avait tellement confiance au système américain. Mais là, il est vu comme un chien sale. »
Elle espère que Jacques Roy demandera la permission d’être transféré dans un pénitencier de son pays natal pour finir de purger sa peine au Canada, où il pourrait bénéficier plus rapidement d’une libération conditionnelle.
« Ces prisons-là sont dangereuses pour lui. Mais s’il est transféré, il est probable qu’il ne puisse plus jamais retourner aux États-unis. »
La Dre Lamarre, qui travaille maintenant dans une clinique médicale privée à Fort Worth où elle a l’impression de « recommencer à zéro », dit elle aussi souhaiter que son mari « sorte de là ».
En fait, ce n’est plus son mari depuis le 8 juin dernier, a-t-elle précisé.
« On a divorcé à sa demande. Il savait qu’il risquait une sentence à vie. Alors il a insisté, pour me donner la liberté et aussi afin d’éviter qu’ils viennent tout saisir ce que je gagne pour payer ce qu’il doit rembourser au gouvernement… Mais ça ne change rien entre nous. Je ne le laisserai pas tout seul. »