Le Journal de Quebec

Sept ex-employées se vident le coeur

Le patron des Éditions des Intouchabl­es Michel Brûlé à son tour visé par des allégation­s d’inconduite­s sexuelles

- ÈVE LÉVESQUE

Forcées à s’asseoir sur lui, embrassées de force devant tout le monde, touchées et ciblées par des remarques sur leurs seins. Sept ex-employées de Michel Brûlé confient avoir été victimes d’inconduite­s sexuelles de la part de l’éditeur et candidat à la mairie du Plateau-mont-royal.

Ces femmes décrivent un environnem­ent de travail axé sur le sexe où Michel Brûlé « avait un ego démesuré » et se prenait pour « dieu dans sa maison d’édition », à travers divers événements qui se sont déroulés sur une période d’une dizaine d’années.

Selon plusieurs témoignage­s, l’homme à la tête des Éditions des Intouchabl­es se vantait auprès de ses employés de ses aventures sexuelles avec des prostituée­s et s’amusait régulièrem­ent à montrer des photos de son pénis.

Il n’était pas rare non plus qu’il leur demande de se présenter chez lui pour le travail et de les accueillir complèteme­nt nu.

Sept ex-employées et trois témoins racontent que les baisers forcés et les commentair­es déplacés survenaien­t même en public, au lancement de livres ou au bureau devant des auteurs en beau milieu de journée. Tous ont requis l’anonymat, sauf une.

« IL RIAIT »

Sara-emmanuelle Duchesne avait 27 ans lorsqu’elle a obtenu un contrat de révision à la pige pour Michel Brûlé, il y a une dizaine d’années.

« Les bureaux étaient dans un local vitré sur Saint-denis [à Montréal]. Tout le monde pouvait voir à l’intérieur. Un jour, j’avais dû m’y rendre pour discuter d’un projet. Au moment de quitter les lieux, il m’a coincée sur le mur en angle avec la porte. Il a essayé de m’embrasser », soutient-elle.

La femme aujourd’hui âgée de 38 ans raconte avoir secoué la tête de gauche à droite durant de nombreuses secondes.

« Il était plus grand que moi, et il se penchait. Je répétais : “Non, non, voyons, qu’est-ce que tu fais ?” en bougeant la tête. Lui, il suivait mes mouvements pour essayer de m’embrasser. Et il riait », se souvient Mme Duchesne.

Sara-emmanuelle Duchesne n’en revient toujours pas que les employés qui ont été témoins de l’incident ne soient pas intervenus.

« Je pensais : “Bien voyons ! Ça peut pas m’arriver à moi, en plein jour, comme ça devant deux personnes. Comment ça se fait qu’elles font rien ?” et pendant ce temps-là, je continuais à dire non. »

« FRENCHAGE DE FORCE »

À un moment, Mme Duchesne dit avoir « poussé très fort » M. Brûlé pour se défaire de son emprise. « Je lui ai crié “Qu’est-ce que tu as fait là ? Qu’est-ce que tu as essayé de faire ?” Et lui il continuait à rire. Les employés riaient aussi. C’était comme si c’était une journée normale au bureau. Moi j’avais le coeur qui battait la chamade. »

Une autre ex-employée qui a travaillé pour lui entre 2005 et 2007 avance que dans les partys, « il y avait toujours une séance de frenchage de force ».

« Moi j’y échappais, je suis chanceuse, assure-t-elle. Et certaines fois où ça dérapait plus, il y avait des séances de montrage de pénis. Un moment donné, ça devient quasiment comme normal. »

« CONTACTS NON DÉSIRÉS »

Une situation qu’a vécue il y a une dizaine d’années une autre employée de l’éditeur, lors d’un 5 à 7 où son conjoint était présent.

« Je crois qu’il a pris mon visage entre ses mains et il m’a embrassée sur le coin de la bouche. Ça s’est fait tellement vite. Tout le monde riait. »

Par la suite, M. Brûlé lui aurait fait plusieurs commentair­es. « Il me disait : “Bon, quand est-ce que tu viens me donner un bec ?”. Ça me rendait extrêmemen­t mal à l’aise. Il nous faisait régulièrem­ent des remarques sur nos seins et des massages. C’étaient des contacts non désirés. »

- Avec la collaborat­ion d’hugo Duchaine et Benoît Philie

L’éditeur Michel Brûlé s’exhibait régulièrem­ent nu et montrait des photos de son pénis à ses employés, disent certains d’entre eux qui auraient subi ses inconduite­s sexuelles au quotidien.

Selon une femme qui a travaillé pour l’éditeur au début de sa vingtaine, entre 2005 et 2006, M. Brûlé parlait « beaucoup, beaucoup, beaucoup de sexe » et essayait de provoquer ses employés.

« Je l’ai repoussé plusieurs fois, mais il recommença­it plus tard. Il faisait passer ça pour de l’humour. Il était comme le dieu de la place. C’était un powertrip solide », dit-elle.

La femme préfère conserver l’anonymat, car elle travaille encore dans le milieu de l’édition.

Elle se souviendra toujours de la fois où son patron s’est présenté nu comme un ver devant elle.

« Il m’avait dit de passer chez lui pour lui faire signer des chèques. Quand je suis arrivée, il était dans sa cuisine et vidait son lave-vaisselle, complèteme­nt nu. J’ai laissé les papiers sur le comptoir et je suis partie. Lui, il riait », se souvient-elle avec dégoût.

Il aurait aussi tenté de l’embrasser de force au restaurant, un soir, après avoir assisté à une partie du Canadien.

« J’avais invité une amie, car je ne voulais pas être seule avec lui. Il a essayé de m’embrasser devant elle, mais je l’ai repoussé », dit-elle

Il lui aurait ensuite dit : « Si je n’étais pas ton boss tu coucherais avec moi, non? », poursuit-elle.

IMAGES DE SON MEMBRE

Un autre ancien employé a pour sa part décidé de démissionn­er après avoir travaillé un an avec Michel Brûlé au milieu des années 2000, poussé à bout par son comporteme­nt « inappropri­é ».

« Il avait des photos de son pénis qu’il montrait régulièrem­ent. Il racontait ses trips de cul. C’était monnaie courante, raconte-t-il. Je suis un des rares qui ont décidé de partir par eux-mêmes ».

Selon lui, M. Brûlé avait aussi l’habitude de tenter d’embrasser ses collègues de force

« C’est arrivé tellement de fois. T’avais beau lui dire que ça ne se faisait pas, il recommença­it avec une autre personne et parfois avec la même personne », raconte l’ancien employé.

« Il lançait des commentair­es très crus, comme : “Hey, veux-tu coucher avec moi? Viens, on va chez nous, on va aller fourrer”. Ce n’était même pas subtil. Le climat était désagréabl­e et malaisant », déplore-t-il.

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L’éditeur montréalai­s Michel Brûlé aurait commis des gestes à caractère sexuel et tenu des propos inappropri­és auprès de plusieurs de ses employées au cours des années.
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PHOTO HUGO DUCHAINE L’éditeur Michel Brûlé brigue actuelleme­nt la mairie du Plateau-mont-royal, à Montréal.

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