Le Journal de Quebec

Bill Morneau : malaise !

- MARIO DUMONT mario.dumont@quebecorme­dia.com

Le ministre fédéral des Finances s’est extirpé hier de sa position intenable. Sa décision de ne pas mettre dans une fiducie sans droit de regard les actions de son entreprise ne se défendait pas. Son attitude cette semaine face aux critiques fut déplorable.

Lorsque cette histoire a fait surface dans le Globe and Mail, j’ai réagi avec prudence. Les précédents de gens d’affaires faisant le saut en politique sont nombreux. Les règles m’apparaisse­nt assez claires. Je ne comprenais pas ce que monsieur Morneau avait pu faire ou ne pas faire pour se placer dans l’embarras. Les détails connus, l’inacceptab­le est apparu.

Nous savons maintenant deux choses. Les dangers de conflit d’intérêts étaient aussi réels que sa défense a été médiocre. Il a placé tout le gouverneme­nt Trudeau dans l’embarras. Ce n’est pas un hasard si Justin Trudeau s’est montré aussi distant et agacé en répondant aux questions concernant son ministre.

Bill Morneau vaut des dizaines de millions. Rien de répréhensi­ble, il a eu une brillante carrière dans le milieu des affaires, dans une organisati­on de grande réputation, Morneau Shepell. En ce sens, sa décision de consacrer des années au service public est plus qu’honorable. Il n’avait pas besoin de cela.

Le ministre des Finances va finalement régularise­r sa situation

DANGERS DE CONFLIT D’INTÉRÊTS

Cela dit, il faut insister sur le fait que Shepell Morneau oeuvre dans le secteur des services aux entreprise­s, comme les assurances, les régimes de retraite et la gestion d’actifs. Le conseil d’administra­tion de l’entreprise est d’ailleurs composé de gens issus du secteur bancaire et des assurances.

En résumé, cette grande entreprise jongle quotidienn­ement avec des règles qui sont édictées… par le ministère des Finances. Lorsque le ministre des Finances revoit certaines règles du jeu dans le secteur des banques ou des assurances, cela intéresse directemen­t l’entreprise dont il est actionnair­e, et encore davantage ses clients.

Il aurait été impératif dès sa nomination de placer dans une fiducie sans droit de regard ses actions dans l’entreprise. Malgré les nombreuses critiques, Paul Martin n’a jamais été dans une position aussi délicate. Sans délai après sa nomination, il avait placé ses actifs de CSL dans une fiducie.

LÂCHETÉ

J’ai détesté la défense de Bill Morneau. D’abord, il faut déplorer son absence jusqu’à hier à la Chambre des Communes, alors qu’à l’évidence, des questions fondamenta­les lui seraient adressées.

Aussi, son explicatio­n plus que douteuse sur le fait qu’il ne détient plus directemen­t des actions de Morneau Shepell. C’est une compagnie à numéro dont il est propriétai­re qui les détient en son nom. Une telle acrobatie n’était pas digne d’un ministre des Finances. C’est le même ministre qui ne veut pas que les contribuab­les utilisent leur compagnie pour se sauver de l’impôt…

Finalement, il a utilisé la Commissair­e à l’éthique en jouant sur les mots. Celle-ci ne lui aurait pas « imposé » de placer ses actions dans une fiducie. Il l’a utilisée injustemen­t comme paravent.

Le ministre des Finances va régularise­r sa situation. Mais un dommage est fait. Nous restons avec un drôle de goût en bouche.

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