Le retour de la morale
Qui l’eût cru ? La morale, honnie, vomie par notre société, revient à l’honneur.
La morale suppose l’existence du bien et du mal. Or, au nom de quelle autre valeur l’opinion publique se débridet-elle actuellement sur les réseaux sociaux dans la foulée des exactions de Harvey Weinstein jusqu’à ces dénonciations de harcèlement et agression sexuels impliquant Éric Salvail et Gilbert Rozon ?
Les comportements sexuels inappropriés ne sont pas tous de même nature que les violences sexuelles définies dans le Code criminel. Car le bien et le mal ne sont pas des concepts réservés à ce qui est légalement criminel. Les plaintes des victimes présumées, telles que décrites sur les réseaux sociaux et dans les médias depuis deux jours, ne semblent pas être matière à procès dans plusieurs cas. Ce qui n’absout d’aucune façon ceux qui auraient commis de telles actions.
JURISPRUDENCE
La déferlante de dénonciations sur les réseaux sociaux est aussi un blâme à l’endroit de la justice. Compte tenu de la complexité de l’appareil judiciaire et de la difficulté de définir et de catégoriser les actes de nature sexuelle, les victimes sont réticentes à dénoncer leurs agresseurs. La jurisprudence en la matière, dont le déprimant jugement dans l’affaire Ghomeshi, fait fuir bien des victimes violentées.
Les affaires impliquant Éric Salvail et Gilbert Rozon indiquent qu’une majorité de personnes croient sincèrement que pour vivre en société l’on doit adopter des comportements moraux. L’on doit exprimer du respect pour autrui, le traiter en égal et ne jamais abuser d’une familiarité intime.
Les gens qui abusent de leur pouvoir, instrumentalisent les autres, les violentent et les harcèlent doivent savoir que désormais, peu importe les empires qu’ils ont créés grâce à leur talent, leurs ambitions peuvent être détruites personnellement et leur carrière démolie à tout jamais. Et ce, sans même être poursuivis par les tribunaux.
MORALE LAÏQUE
Les honnêtes gens seront toujours à l’abri des dérèglements. En dehors de toute religion, il existe une morale impliquant une manière de vivre qui suppose une volonté de lutter contre ce qu’on appelait jadis les tentations. L’honnêteté n’est pas innée, elle s’acquiert à force de courage. La haine, la vengeance, le mépris et l’égocentrisme, cette plaie de l’époque, sont l’équivalent des vices d’antan.
La sexualité chez l’homme doit être contrôlée. Les humains ne sont pas des bêtes. C’est ce que l’on apprenait du temps où le péché existait.
Or, celui-ci existe toujours, mais il a changé de dénomination. Il est évident que c’est au nom d’une morale sociale et personnelle qu’une majorité de gens dénoncent depuis deux semaines les comportements inqualifiables de personnalités connues. Comment mon ami Éric Salvail et Gilbert Rozon cent fois croisés en sont-ils arrivés à oublier que l’admiration et la reconnaissance que leur exprimait le Québec les obligeaient à lutter contre leurs propres démons et leur sexualité pulsionnelle ? Hélas, cela les a menés aujourd’hui à un suicide professionnel qui les plongera désormais dans une angoisse que personne ne leur envie.