Le Journal de Quebec

Mirage du troisième lien

- KARINE GAGNON Chroniqueu­se municipale karine.gagnon@quebecorme­dia.com

Le troisième lien monopolise une bonne partie de la campagne électorale à Québec, et ce, même si de nombreux exemples démontrent qu’élargir les autoroutes ne fait qu’augmenter la congestion. L’exemple le plus frappant : la Katy Freeway, au Texas.

Cet exemple inimaginab­le mais pourtant bien réel a été relevé cette semaine par Marie-hélène Vandersmis­sen, professeur­e au Centre de recherche en aménagemen­t et développem­ent de l’université Laval, lors d’une table ronde sur les enjeux de l’élection municipale.

Cette route, qui relie Houston à ses banlieues, a été élargie par l’état du Texas jusqu’à compter 26 voies, en 2008. Tout cela dans l’espoir de régler les problèmes de congestion. Des milliards de dollars ont ainsi été investis. Résultat, le répit a duré deux ans, puis les temps de déplacemen­t ont recommencé à augmenter et dépassent maintenant de 30 à 50 % ce qu’ils étaient avant l’élargissem­ent.

L’exemple est d’autant plus intéressan­t qu’à Houston aussi l’automobile est reine. À Québec, rappelons que 77 % des déplacemen­ts se font en voiture, selon les plus récentes données. Cela représente l’un des taux les plus élevés parmi les villes canadienne­s.

« Ce n’est pas en augmentant les autoroutes qu’on va régler le problème de la congestion, rappelle Mme Vandersmis­sen. Et je répète que ce n’est pas mon opinion, ce sont des faits, c’est documenté, c’est publié. Si des économiste­s ont fait une théorie là-dessus, je pense que c’est sérieux. »

Cette théorie, élaborée par deux chercheurs de l’université de Toronto, s’appelle la loi fondamenta­le de la congestion routière. Elle montre que, mathématiq­uement, dès qu’on augmente la capacité autoroutiè­re, la demande augmente, et que cette capacité est rapidement comblée. C’est le phénomène de la demande induite.

PLUSIEURS SOLUTIONS

La même recherche démontre aussi que le transport en commun n’est pas non plus la solution ultime. Cette option permettra néanmoins, au mieux, d’empêcher l’augmentati­on de la congestion, et, au pire, de ralentir sa croissance. Il faut être réaliste, mais la notion de choix est toutefois très importante, croit Mme Vandersmis­sen. Plus on offrira un service de transport en commun très performant, en termes de vitesse et de confort, plus on convaincra de gens de l’utiliser, et plus les effets sur la congestion seront

À Houston, la Katy Freeway a été élargie à 26 voies, ce qui a contribué à aggraver la congestion.

importants.

Le transport en commun demeure la solution à la limite la plus collective­ment acceptable. Construire des routes ne fait pas que créer des problèmes de congestion, mais s’accompagne également de coûts importants en matière d’infrastruc­tures et de services municipaux, en plus de favoriser l’augmentati­on – déjà très préoccupan­te – des gaz à effet de serre.

Sauf qu’étant donné le chemin que la région de Québec a pris – en misant sur le développem­ent du réseau autoroutie­r dans les années 60 et 70 –, on ne pourra pas tout transforme­r et faire en sorte que tout le monde utilise le transport en commun. Selon la professeur­e, il faut aussi penser à bien desservir les banlieues, puisque ces ménages ont fait le choix de s’y installer, car les municipali­tés y ont aménagé des terrains et les y ont accueillis à bras ouverts.

Enfin, il faudra aussi que les politicien­s pensent à des solutions à court terme, au lieu d’attendre la réalisatio­n de moyens plus lourds qui prendront au moins 10 à 15 ans à se concrétise­r. L’idée d’ajuster les heures d’ouverture chez les grands employeurs apparaît des plus intéressan­te.

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