Les Catalans descendent dans la rue
Plus de 450 000 indépendantistes ont protesté hier contre les mesures de Madrid pour empêcher la sécession
MADRID | (AFP) Le chef du gouvernement espagnol a demandé hier au Sénat de destituer le gouvernement catalan afin de tenir de nouvelles élections pour empêcher l’indépendance de la Catalogne, provoquant une manifestation monstre.
Le chef du gouvernement catalan, Charles Puidgemont, a répondu en dénonçant cette manoeuvre qu’il compare à la « pire attaque » contre sa région depuis la dictature de Francisco Franco qui a pris fin dans les années 70.
L’annonce de Mariano Rajoy a été suivie immédiatement d’une manifestation indépendantiste à Barcelone, ayant rassemblé 450 000 personnes selon la police locale.
Carles Puigdemont, qui a pris la tête du cortège, a réagi dans la soirée par une déclaration télévisée en catalan, espagnol et anglais. Il a alors assuré que les « valeurs européennes » étaient « en danger » et a prévenu les Espagnols qu’ils pouvaient s’attendre « à d’autres abus ».
Auparavant, Mario Rajoy avait invoqué l’article 155 de la Constitution, demandant au Sénat de lui confier la faculté de dissoudre le Parlement catalan, afin de « convoquer des élections dans un délai maximum de six mois ». Cet article de la constitution espagnole n’a jamais été utilisé dans l’histoire du pays, a rapporté le journal Le Monde, hier.
RAJOY RASSURANT
M. Rajoy souhaite aussi démettre le gouvernement catalan de ses fonctions, qui seront exercées « par les ministères (nationaux) » pendant « cette situation exceptionnelle ».
« Ni l’autonomie catalane ni la gouvernance autonome ne sont suspendues », a affirmé Mariano Rajoy, comme pour rassurer des Catalans très attachés à leur autonomie récupérée après la fin de la dictature.
Mais la liste des mesures envisagées montre que Madrid veut prendre toutes les manettes de l’administration de la région, depuis la police autonome jusqu’à la radio et la télévision publiques, et mettre le Parlement régional sous tutelle.
La présidente du Parlement régional Carme Forcadell a dénoncé un « coup d’état ». Et M. Puigdemont a demandé la tenue d’une séance plénière pour que les parlementaires décident de la réponse à apporter à ces mesures.
Jeudi, il avait menacé de convoquer le Parlement régional pour proclamer l’indépendance si Madrid déclenchait l’article 155.
Carles Puigdemont n’a cependant pas prononcé une seule fois le mot « indépendance » dans son allocution.
Les mesures demandées par le gouvernement espagnol devraient être approuvées d’ici le 27 octobre, au Sénat, où le parti de M. Rajoy est majoritaire. Elles sont soutenues par le parti socialiste (PSOE), principale force d’opposition, et les centristes de Ciudadanos.
Cette prise en main risque de soulever les foules en Catalogne, où la population est pourtant divisée sur la question de l’indépendance.
« ADMINISTRATION COLONIALE »
« Ce sera le chaos à cause de la capacité de sabotage des fonctionnaires... Ça va ressembler à une administration coloniale et les indépendantistes vont présenter ça comme une occupation », a déclaré à L’AFP Oriol Bartomeus, professeur de Sciences politiques à l’université autonome de Barcelone. La réaction en Catalogne ne s’est pas fait attendre.
« Le sentiment espagnol a disparu. Le peuple catalan est complètement déconnecté des institutions espagnoles », assurait Ramon Millol, un mécanicien de 45 ans, tandis que les manifestants faisaient des doigts d’honneur aux hélicoptères de la police.