Pris dans une affaire nauséabonde
Un sandwich aux excréments provoque des remous
La police de Sherbrooke est prise dans un vrai merdier en raison d’abus commis par ses enquêteurs des affaires internes en voulant épingler un flic qui avait mis des excréments dans le sandwich d’un collègue pour l’intimider.
Saisi d’un grief où un policier congédié réclame d’être réintégré dans ses fonctions et de toucher un dédommagement de 850 000 $ de la Ville, le Tribunal d’arbitrage parle d’une situation « choquante » où l’administration de la justice est « sérieusement minée ».
Tout ce que l’arbitre Francine Lamy croit pouvoir faire dans cet épineux dossier, c’est de « limiter les dégâts ».
MUR DE SILENCE
« Quoi que je décide, une fin illégitime pourrait prévaloir : d’un côté, un policier peut avoir contrevenu à la loi, et de l’autre, la police, son employeur, qui y contrevient pour le démontrer », a-t-elle écrit dans une décision intérimaire sur ce litige à la fin septembre.
L’affaire commence au début d’octobre 2012. Un midi, à la cafétéria du poste de police de Sherbrooke, un patrouilleur est allé chercher son lunch dans le réfrigérateur et a découvert que des excréments avaient été ajoutés dans son sandwich.
Ce patrouilleur était présumément la cible de harcèlement interne après avoir décerné un ticket de vitesse à un confrère.
Face à « un mur de silence et de solidarité syndicale », la Direction des normes professionnelles (communément appelée « affaires internes ») du service de police a obtenu d’un juge des ordonnances lui permettant de fouiller des milliers de messages textes de certains collègues policiers, dont des représentants syndicaux.
Dans un de ces textos, un officier syndical commentait « dans des termes dérisoires et sarcastiques » l’histoire du sandwich avec le policier Alex Therrien.
STÉROÏDES ET INFO
Sans être considéré comme un suspect dans cette affaire scabreuse, le patrouilleur Therrien était toutefois soupçonné d’entretenir « des liens avec des personnes criminalisées ou proches du crime organisé », relate le tribunal.
Ce texto est devenu « un motif raisonnable » pour demander l’émission d’un nouveau mandat de la cour afin de mettre la main sur les messages textes de Therrien jusqu’au printemps suivant. On a ainsi découvert qu’une fois par mois, le policier de 37 ans a commandé des stéroïdes anabolisants à un contact.
Les affaires internes ont aussi soupçonné Therrien de fournir des stéroïdes à d’autres collègues qui affichaient eux aussi une prétendue « transformation physique anormale ».
Dans un autre échange de textos, le présumé fournisseur de stéroïdes de Therrien lui demandait s’il pouvait lui trouver l’adresse d’un « p’tit criss » de fraudeur qui « chauffe un Subaru noir ».
« OK, j’checke ça », avait répondu le policier.
ACCUSÉ ET LIBÉRÉ
Personne ne sera finalement accusé dans l’affaire du sandwich aux excréments. Alex Therrien ne sera pas accusé non plus de trafic de stéroïdes.
Mais le 4 avril 2013, Therrien se fait passer les menottes et comparaît au palais de justice pour être inculpé d’abus de confiance et d’entrave à la justice.
L’employeur, qui se dit en mesure de démontrer que Therrien a utilisé frauduleusement les banques de données informatisées à sa disposition, l’a aussi limogé.
Mais un an plus tard, Therrien était libéré de toute accusation quand la Couronne a déclaré au tribunal ne plus avoir de preuves à offrir, sans donner plus d’explications.
SAISIES ABUSIVES
D’après l’arbitre Lamy, la police a obtenu ses autorisations judiciaires « sans fondement », par une « dénonciation trompeuse et volontairement incomplète », menant à des saisies de données « abusives et contraires » à la Charte canadienne des droits et libertés.
Malgré tout, l’arbitre Lamy pourrait tenir compte de cette preuve entachée lorsqu’elle devra trancher le grief, puisqu’il est question d’un policier qui demande sa réintégration malgré un comportement « répréhensible ».