L’UPAC nie le piège, mais admet l’appât
L’arrestation de Guy Ouellette a été menée dans les règles selon le grand patron
Le grand patron de l’unité permanente anticorruption se dit convaincu que des accusations seront portées au terme de l’enquête qui a mené la semaine dernière à l’arrestation du député Guy Ouellette. Il n’a pas précisé si ces accusations concerneraient M. Ouellette lui-même.
Évoquant l’arrestation de M. Ouellette lors d’une conférence de presse, le commissaire Robert Lafrenière a parlé d’un « point névralgique » de l’enquête sur l’origine des fuites médiatiques concernant l’enquête Mâchurer.
Ces fuites avaient permis à notre Bureau d’enquête de révéler en avril que l’ex-premier ministre Jean Charest et l’ancien grand argentier libéral Marc Bibeau avaient fait l’objet d’une surveillance policière.
Dans une entrevue à la radio diffusée lundi, Guy Ouellette a formellement nié être cette source.
La conférence de presse d’hier après-midi se tenait seulement quelques heures après que le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, eut invité L’UPAC à s’expliquer sur l’arrestation de Guy Ouellette.
Présent aux côtés de M. Lafrenière, le directeur des opérations de L’UPAC, André Boulanger, a nié que le député Ouellette ait été « piégé » lors de son arrestation comme celui-ci l’affirme.
Dans un exercice de sémantique subtil, M. Boulanger a préféré parler d’un « appât » pour justifier le fait que des enquêteurs aient utilisé le cellulaire du policier Richard Despaties, pour attirer vers eux M. Ouellette.
André Boulanger a indiqué qu’il s’agissait là d’une technique policière bien connue et utilisée le plus souvent pour arrêter des trafiquants de stupéfiants.
CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES
Appelé à commenter ces déclarations dans la soirée d’hier, le président de l’assemblée nationale, Jacques Chagnon, a estimé que L’UPAC jouait sur les mots en parlant d’un « appât » et non d’un piège.
Plus tôt dans la journée M. Chagnon avait exigé « qu’on accuse ou qu’on s’excuse » dans l’affaire Ouellette, ajoutant qu’il craignait des « dérives totalitaires » (voir texte en page 3).
À ce propos, le patron de L’UPAC, Robert Lafrenière, a rétorqué que ce serait au DPCP de décider si des accusations devaient être portées contre Guy Ouellette.
M. Boulanger a pour sa part indiqué que l’arrestation de Guy Ouellette n’avait aucun rapport avec le fait que celui-ci ait recommandé l’implantation d’une norme ISO anticorruption dans plusieurs organismes publics, dont L’UPAC.
Il a aussi nié que cette arrestation ait un lien avec des révélations impliquant l’unité anticorruption et l’autorité des marchés financiers que M. Ouellette aurait pu faire au cours des prochains jours, comme l’avait affirmé l’analyste Annie Trudel.
BIEN EN SELLE
Interrogé par le représentant du Journal sur une possible démission de sa part en cas de manquements de la part de L’UPAC dans cette affaire, Robert Lafrenière a écarté cette hypothèse.
« Ce n’est pas la question de poser ma démission, car je suis absolument certain qu’il n’y a pas eu de manquements de la part de L’UPAC [...] Je suis bien en selle, j’ai une formidable équipe et je ne me sens pas du tout menacé. »
L’histoire qui tient le Québec en haleine depuis plusieurs jours semble hyper complexe, mais se résume en fait à une question très simple.
Entre Guy Ouellette et Robert Lafrenière, qui ment et qui dit vrai ?
L’UN OU L’AUTRE
D’un côté, Guy Ouellette nie avoir coulé des documents sur l’enquête Mâchurer.
De l’autre, Robert Lafrenière affirme que le député de Chomedey a été arrêté dans le cadre d’une enquête portant, justement, sur ces fuites.
D’un côté, Annie Trudel, la comparse de Guy Ouellette, dit que son ami a été arrêté parce qu’il allait dévoiler un stratagème de collusion impliquant L’UPAC, L’AMF et une firme de consultants.
De l’autre, Robert Lafrenière et son équipe affirment n’avoir jamais été au courant d’un tel stratagème et avoir pris connaissance de cette histoire (abracadabrante, entre vous et moi) en lisant l’entrevue de Mme Trudel dans Le Journal.
Deux versions totalement irréconciliables. Qui dit vrai ? Le patron de L’UPAC ou l’ex-président de la Commission des Institutions ? C’est ça, LA question. Un de ces deux hommes, supposément au-dessus de tout soupçon, nous a regardés dans le blanc des yeux et nous a menti en pleine face.
Reste à savoir qui…
Un de ces deux hommes nous ment en pleine face…
L’ARBRE ET LA FORÊT
Au cours des prochaines heures, les commentateurs vont se demander si, oui ou non, L’UPAC avait le droit de saisir l’ordinateur et le téléphone cellulaire de Guy Ouellette.
Certes, ce sont des questions importantes. Après tout, la police doit respecter les lois.
Mais pour moi, le coeur du problème n’est pas tant de savoir si les preuves obtenues par L’UPAC seront admissibles en cour, ou si L’UPAC avait le droit ou non d’utiliser le téléphone du policier Richard Despatie pour attirer le député dans un piège. C’est de savoir qui ment. Si Guy Ouellette a effectivement été arrêté pour avoir coulé des documents sur l’enquête Mâchurer, pourquoi a-t-il nié être la source de ces fuites ?
Ou si Guy Ouellette a été arrêté pour d’autres raisons, pourquoi Robert Lafrenière ne nous le dit pas ?
LE PRIX DU MENSONGE
Tenez, je vous pose la question à 100 000 $ : lequel des deux hommes aurait le plus à perdre si son mensonge devait être dévoilé au grand jour ? Guy Ouellette ou Robert Lafrenière ? Poser la question, c’est y répondre. C’est le patron de L’UPAC qui aurait l’air le plus fou. C’est lui qui tomberait de plus haut. Si on apprenait que Guy Ouellette nous a menti, on se dirait : « Bon, il a pris son image de héros du peuple et de victime du système un peu trop au sérieux. »
Mais si on apprenait que c’est le patron de L’UPAC qui nous a raconté des bobards, le gars perdrait son poste illico et passerait à l’histoire pour être le flic pourri qui a crossé la population pour protéger Jean Charest et Marc Bibeau.
Comprenez-moi, je ne penche ni d’un bord ni de l’autre…
Je me pose juste la question : pourquoi Robert Lafrenière nous mentirait sur les véritables raisons de l’arrestation de Guy Ouellette, si son mensonge risquait d’être exposé au grand jour à la minute même où le DPCP déposerait des accusations contre le député de Chomedey ?