Le Journal de Quebec

La république de banane du Saint-laurent

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com

Étrange saga politicoju­diciaire, ces jours-ci, entourant Guy Ouellette et L’UPAC. Étrange ? Le mot n’est pas le bon. Lequel, alors ? Minable serait le bon mot. Oui : minable. Ex-police contre police. Parole contre parole.

On ne sait pas trop qui croire. Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux ? Le saurait-on qu’on ne voudrait probableme­nt pas le croire. Dans ce genre d’affaires, le bien se bat rarement contre le mal. Tout est mélangé, tout est tordu.

Le Québec est-il vraiment rendu là ?

On veut bien croire que dans une société, la lutte pour le pouvoir est féroce et que les hommes sont prêts à tout, ou presque tout, pour conserver leurs privilèges ou les étendre.

CORRUPTION

Mais là, nous avons atteint un stade nouveau.

La politique québécoise vient d’être ramenée dans le caniveau. C’est un téléroman de village qui fait honte. Une mauvaise intrigue policière qui se passe dans un coin reculé de l’amérique. Sauf que ce coin du monde, c’est le nôtre.

Notre société n’est pas parfaite. On savait le Québec un peu médiocre, cultivant le confort et l’indifféren­ce et se laissant conter des peurs par ses maîtres de toujours. On savait que le patronage n’y était pas rare et que les pillards ne sont jamais loin du bien public.

On le savait un peu étouffé par un système bureaucrat­ique qui entrave l’initiative des uns et des autres.

On le savait timide lorsque vient le temps de défendre son identité. Tout cela, nous le savions. Mais nous ne savions pas qu’un jour, la vie politique aurait l’air d’un vieil épisode d’omerta, d’une partie de Clue ou d’un film particuliè­rement réussi des frères Coen.

Qu’on me pardonne de réinscrire cette mauvaise comédie en contexte. Depuis la commission Charbonnea­u, la vie publique, étape par étape, a été engloutie par les questions d’éthique, de corruption, de financemen­t illégal, de collusion, et ainsi de suite.

Comment cela ne pourrait-il pas susciter un profond dégoût ? Les institutio­ns sont abîmées. Comment reprocher alors au commun des mortels de fuir l’espace public, de se replier dans sa cuisine, son jardin ou son chalet, et de laisser l’avenir de la collectivi­té aux forces qui veulent y régner ?

Nous entrons, faut-il le rappeler, dans une année électorale. Ce sera l’occasion de faire le bilan d’un règne libéral de 15 ans. Dans un monde normal, de grands projets devraient s’opposer. On devrait sentir quelque chose comme une passion politique dans la population.

Qui croire dans le chaos actuel ?

POURRITURE

Mais cet élan politique sera plombé. La politique se traitera moins dans les pages idées de nos journaux que dans les pages policières.

Il ne s’agit pas de se lamenter simplement devant ce gâchis, mais d’espérer qu’un grand vent démocratiq­ue balayera les odeurs de pourriture qui remontent d’un peu partout.

J’ose croire que les Québécois méritent mieux que les événements des dernières années.

Mais il leur appartient de le prouver. Ils doivent envoyer le signal qu’ils ne tolèrent pas que le seul État français d’amérique soit transformé en république de banane du SaintLaure­nt.

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